LEE, Yiting
D’origine taïwanaise, Yiting Lee a fait ses études à la Cambridge School of Art, où elle a obtenu une maîtrise en illustration de livres pour enfants en 2012. Dans ses albums, elle aime user de différentes techniques traditionnelles, de l’aquarelle à la gouache en passant par l’encre ou les crayons de couleur. Le Jardin de Jean est son premier album publié en France. Elle vit en Angleterre. (photo et prés. éd. des éléphants)
Yinting Lee est une autrice et illustratrice confirmée que vous pouvez suivre sur son blog!
Welcome - Yiting Lee Illustration
rencontre avec l'autrcie à propos de son premier album traduit en français "LE JARDIN DE JEAN" éd. des éléphants
Jean est jaloux des beaux jardins de ses camarades et décide de se les approprier, mais s'il ne sait pas jardiner, ses camarades eux, peuvent créer de nouveaux jardins... Un album original mais surtout très bien adapté pour les plus jeunes lecteurs, aussi bien par le dessin que par le texte.
1 Comment êtes-vous devenue illustratrice?
J'ai toujours aimé dessiner, mais en grandissant, je n'imaginais pas que l'illustration pouvait devenir un métier. C'est donc resté longtemps une passion personnelle : j'ai continué à dessiner en amateur tout au long de mes études. Tout a changé lorsque j'ai découvert un livre intitulé « Play Pen : New Children’s Book Illustration » de Martin Salisbury. Ce livre m'a ouvert les yeux sur l'univers de l'illustration pour enfants et m'a incité à m'y consacrer plus sérieusement.
J'ai décidé de m'inscrire au master d'illustration de livres jeunesse de l'université Anglia Ruskin. Cette expérience m'a transformée : depuis, l'illustration fait partie intégrante de ma vie. Après avoir obtenu mon diplôme, j'ai commencé à soumettre mes travaux à des éditeurs tout en travaillant à temps partiel dans le commerce de détail pour subvenir à mes besoins. Petit à petit, j'ai commencé à recevoir de petites commandes de différents éditeurs, et j'ai continué à développer mes propres idées de livres illustrés en parallèle de ces projets.
En 2017, j'ai rencontré mon agence et nous avons commencé à travailler ensemble. Ils m'ont aidée à diffuser mon travail à l'international, me permettant ainsi de me concentrer pleinement à la création. Depuis, je continue de développer de nouvelles idées de livres et à travailler sur divers projets d'illustration. Ce fut un parcours incertain, mais auquel je me sens profondément attachée.
2 Votre premier livre publié en français est vraiment bien adapté aux jeunes lecteurs : comment travaillez-vous, comment cet album a-t-il été créé ?
Merci ! Ce livre est très spécial pour moi, notamment en raison de l'origine de son idée. En tant que Taïwanaise, je me demande souvent pourquoi notre voisin veut nous envahir. J'étais en colère contre ce voisin tyrannique, et même en colère que nous soyons voisins. Mais en apprenant que de nombreux autres pays sont confrontés à des problèmes similaires, j'ai commencé à réfléchir plus profondément. Il faut du temps pour qu'une société devienne une véritable tyrannie, et il faut de nombreux tyrans individuels pour former une telle société. Chaque tyran a été un jour un enfant – alors pouvons-nous les aider à ne pas le devenir ? On ne peut pas non plus nier que l'acte de prendre des choses par la force existe chez les enfants. Au lieu de simplement qualifier quelqu'un de tyran et de le humilier, je veux que les enfants comprennent pourquoi le fruit ne sera pas doux si on le prend par la force – c'est un dicton courant à Taïwan, qui signifie que ce qui est acquis sans respect ni effort n'apporte pas de véritable joie. Le jardin d'un voisin est beau non pas parce qu'il l'a pris à quelqu'un d'autre, mais parce qu'il en a pris soin – tout comme la démocratie, qui doit être entretenue et protégée pour que nous puissions profiter de ses nombreux bienfaits. Dans le livre, John s'excuse auprès de tous – ce qui vise à encourager les enfants à assumer leurs erreurs et à demander pardon en présentant des excuses sincères. Je pense que c'est une histoire simple, mais qui donne matière à réflexion.
3 Quels livres ou illustrations aimiez-vous quand vous étiez enfant ?
Enfant, j'aimais beaucoup les contes de fées de différents pays. Les différentes cultures et histoires de pays lointains me semblaient si attirantes, je ne sais pas pourquoi. J'aimais aussi beaucoup les livres d'images avec de belles histoires. « Tant un pied, tantôt l'autre » de Tomie dePaola m'a appris le soutien familial ; « Max et les Maximonstres » de Maurice Sendak m'a donné une bonne raison d'être fou et amusant. Pour les illustrations, je crois que je préférais les illustrations ludiques, notamment celles avec des détails amusants, comme « Où est Charlie ? » et les illustrations d'Anthony Browne.
4 Est-ce si différent d’écrire un album en anglais ou en chinois ?
Écrire en anglais me permet d'être plus précise dans mes mots, ce qui m'aide à clarifier mes idées. Avec le mandarin, étant ma langue maternelle, j'ai parfois des points faibles, comme le fait de ne pas remarquer que certains mots sont vagues ou incorrects dans certains contextes. C'est pourquoi j'aime écrire des œuvres créatives dans une deuxième langue. Cela me permet de rester vigilante et de réfléchir plus attentivement à chaque mot que je choisis.
5 Quels sont les thèmes que vous souhaitez aborder dans vos albums ?
Chaque livre que j'écris et illustre explore une problématique différente que je trouve significative ou stimulante dans ma vie ; une thématique qui, je crois, résonne au-delà des âges, des cultures et des communautés. Souvent, mes livres tentent de répondre à mes propres questions, et je pense que cela mérite d'être partagé avec le monde. Pour moi, les livres pour enfants sont un moyen de me faire comprendre : ma façon de m'adresser au monde. Si les enfants peuvent me comprendre, alors je crois que tout le monde le peut.
6 Les outils informatiques sont très présents aujourd’hui pour illustrer : comment imaginez-vous votre métier dans le futur ?
Je me souviens encore de livres et de dessins animés sur le futur que je lisais et voyais quand j'étais petite, où les ordinateurs et les robots faisaient automatiquement plein de choses pour nous, et où les humains portaient des vêtements argentés avec des engins volants… bref, beaucoup de choses déjà dans notre vie ! Je pense que si je peux dessiner quelque chose qui dépasse leur imagination, je devrais pouvoir garder mon travail, j'espère !
7 Pouvez-vous nous parler de vos projets ?
J'ai créé plusieurs albums illustrés publiés dans différents pays. À Taïwan, j'ai une série intitulée « Un zoo idéal » et « Une cantine idéale », qui imagine un zoo entièrement géré par les animaux eux-mêmes. Ils viennent travailler pendant la journée et rentrent chez eux à la fermeture du zoo : un monde idéal où chacun, y compris nos amis les animaux, est traité avec douceur et équité. C'est ma façon d'inviter les enfants à imaginer un monde plus compatissant.
"un zoo ideal"
Un autre de mes livres récents, « The Quiet One », est paru aux États-Unis. Il raconte l'histoire d'une jeune fille timide qui a peur de parler devant sa classe. Elle préfère se cacher dans son coin et bricoler ce qu'elle aime. Un jour, elle trouve un robot cassé et le répare. Ce faisant, elle découvre sa passion et le courage de parler de ce qui lui tient à cœur. Ce livre a résonné en moi plus jeune, et j'espère qu'il résonnera aussi chez les enfants qui ont quelque chose à dire mais qui doivent trouver leur propre moyen de se faire entendre.
J’espère sincèrement que ces livres seront un jour également disponibles en français, afin que les enfants de France puissent partager la même joie et la même imagination que j’y ai mises.
la bibliothèque
1 How did you become an illustrator?
I’ve always loved to draw, but growing up, I didn’t realize that illustration could actually be a career. So for a long time, it remained a personal passion—I kept drawing as an amateur throughout school and university. Everything changed when I discovered a book called Play Pen: New Children’s Book Illustration by Martin Salisbury. It completely opened my eyes to the world of children’s book illustration and inspired me to pursue it more seriously.
I decided to enroll in the MA course in Children’s Book Illustration at Anglia Ruskin University. That experience was transformative—since then, illustration has become an inseparable part of my life. After graduating, I began submitting my work to publishers while working part-time in retail to support myself. Gradually, I started receiving small commissions from different publishers, and I kept developing my own picture book ideas alongside those projects.
In 2017, I met my agency, and we began working together. They’ve helped share my work internationally, allowing me to focus more fully on the creative side. Since then, I’ve continued to develop new book ideas and work on a variety of illustration projects. It’s been an uncertain journey, but one I feel deeply connected to.
2 Your first book published in French is really well suited to young readers: how do you work, how was this album created?
Thank you! This book is very special to me, especially because of where the idea came from. As a Taiwanese, I often wonder why our neighbor wants to invade us. I felt angry at this bullying neighbor — even angry that we happened to be neighbors at all. But as I learned that many other countries face similar problems, I began to think more deeply. It takes time for a society to become a giant bully, and it takes many individual bullies to form such a society. Every bully was once a child — so can we help them not become one? We also can’t deny that the act of taking things by force exists among children. Instead of simply labeling someone a bully and shaming them, I want children to understand why the fruit won’t be sweet if you take it by force — this is a common saying in Taiwan, meaning that things gained without respect or effort bring no real joy. A neighbor’s garden is beautiful not because they took it from someone else, but because they cared for it — just like democracy, which needs to be nurtured and protected in order for us to enjoy its many benefits. In the book, John says sorry to everyone — this is meant to encourage children to take responsibility for their mistakes and to seek forgiveness through sincere apology. I think this is a simple story but has a lot for people to think about.
3 What books or illustrations did you like as a child?
When I was a child, I really liked fairytale from different countries. Because the different culture in far away place and far away history, just looked so appealing to me i don’t know why. I also liked many picture books with good stories. Now One Foot, Now the Other by Tomie dePaola that taught me about family support; Where the Wild Things Are by Maurice Sendak gave me a good reason to be wild and fun. For illustration I think I preferred playful ones, partigularly like funny details, such as Where is Wally? and illustrations by Anthony Browne.
4 Is it so different to write an album in English or in Chinese?
I find that writing in English allows me to be more precise with my words, which helps to clear my thoughts. With Mandarin, since it’s my native language, I sometimes have a blind spot, such as not aware of some words are vague or incorrect in some context. That’s why I embrace writing creative work in a second language. It keeps me on my toes and makes me more deliberate with every word I choose.
5 What are the themes you want to address in your albums?
Each book I write and illustrate explores a different issue that I find meaningful or thought-provoking in my life — something I believe resonates across ages, cultures, and communities. Often, my books are attempts to answer my own questions, and I think that’s something worth sharing with the world.
For me, children’s books are a way to make myself understood — my way of speaking to the world. If children can understand me, then I believe anyone can.
6 Computer tools are very present today to illustrate: how do you imagine your job in the future?
I still remember some books/cartoons about future I read when I was little, that computer and robot automatically do lots of things for us, and human wearing silver clothes with flying devices, well many thing already in our life! I think as long as I can draw something ahead of their imagination, I should be able to keep my job, hopefully!
7 Can you tell us about your projects?
I’ve created several picture books that have been published in different countries. In Taiwan, I have a series called An Ideal Zoo and An Ideal Canteen, which imagine a zoo run entirely by animals themselves. They come to work during the day and return home when the zoo is closed — an ideal world where everyone, including our animal friends, is treated gently and fairly. It’s my way of inviting children to imagine a more compassionate world.
Another recent book of mine, The Quiet One, was published in the U.S. It’s about a shy girl who’s afraid to speak in front of her class. Instead, she hides in her corner and tinkers with the things she loves. One day, she finds a broken robot and fixes it — and through that process, she discovers her passion and the courage to speak about the things she cares about.
It resonated with my younger self, and I hope it also resonates with children who have something to say but need to find their own way to be heard.
I truly hope these books will one day be available in French as well, so that children in France can share the same joy and imagination I’ve poured into them.