FENG CHEN /Jiely éd.

Entretiens avec Feng Chen (agent littéraire) et Bai Bing (Editions Jieli)

Publié par le BIEF (Bulletin International de l'Edition Française)

5 avr. 2004

Feng Chen, agent littéraire
(propos recueillis par Catherine Fel)

, agent littéraire(propos recueillis par Catherine Fel)

Dans la dynamique des échanges entre la France et la Chine, les agents jouent un rôle important en raison de la barrière de la langue et des différences de cultures éditoriales. Nous avons rencontré l’un d’eux, Feng Chen, qui a démarré son activité en 1999, et est à l’origine d’un peu plus de 300 contrats, en grande majorité de cessions de droits. Chinoise en France, elle est aussi correspondante du China Book Business Report (journal de la profession en Chine) et directrice de collection chez Philippe Picquier.
Elle vient de publier Lettres chinoises, les diplomates chinois découvrent l’Europe chez Hachette Littératures, dans la collection « La vie quotidienne ».

Pourquoi devenir un passeur entre les éditeurs français et chinois ?
Feng Chen : J’ai toujours souhaité entreprendre une activité au croisement de ma perception des deux cultures. Arrivée en France après mes études universitaires, j’y ai effectué un DEA en littérature française et un doctorat en histoire à l’EHESS. J’ai continué dans la recherche jusqu’au jour où un éditeur chinois m’a sollicitée pour mettre sur pied une collection d’ouvrages en sciences humaines, traduits du français. C’est de là qu’est né pour moi le plaisir de travailler comme intermédiaire et de relever une sorte de défi, qui consiste à savoir susciter la curiosité réciproque sur de nouvelles idées, des catégories de pensée différentes, d’autres références et d’autres valeurs culturelles. Et puis, au fur et à mesure, j’ai ressenti mon métier comme une mission culturelle.

J’ai toujours souhaité entreprendre une activité au croisement de ma perception des deux cultures. Arrivée en France après mes études universitaires, j’y ai effectué un DEA en littérature française et un doctorat en histoire à l’EHESS. J’ai continué dans la recherche jusqu’au jour où un éditeur chinois m’a sollicitée pour mettre sur pied une collection d’ouvrages en sciences humaines, traduits du français. C’est de là qu’est né pour moi le plaisir de travailler comme intermédiaire et de relever une sorte de défi, qui consiste à savoir susciter la curiosité réciproque sur de nouvelles idées, des catégories de pensée différentes, d’autres références et d’autres valeurs culturelles. Et puis, au fur et à mesure, j’ai ressenti mon métier comme une mission culturelle.

Quelles sont, d’après vous, les grandes tendances en ce qui concerne les achats de droits d’ouvrages français par les éditeurs chinois. Observez-vous une évolution ?
F. C. : Je constate une grande ouverture à la diversité. Il y a cinq ou six ans, tous les éditeurs se ruaient vers les mêmes ouvrages, les romans lauréats des prix littéraires ou qui faisaient parler d’eux. Aujourd’hui, beaucoup d’éditeurs cherchent à mieux définir leur ligne éditoriale et à l’installer dans le long terme, à « inscrire leur empreinte ». Ainsi, pour les ouvrages des sciences humaines, qui peuvent être appréciés en Chine par un public assez large, les éditeurs se montrent de plus en plus audacieux et ouverts à des collections dont le concept est original, collections existant de longue date comme « La vie quotidienne » chez Hachette Littératures (dont 30 titres ont été achetés par un éditeur chinois) ou de toutes nouvelles collections comme « Idées reçues » aux éditions du Chevalier Bleu (dont un éditeur chinois a acheté les droits de 20 titres). Ils publient aussi d’une manière plus systématique les ouvrages de grands penseurs – les œuvres complètes de Lévi-Strauss sont ainsi peu à peu accessibles aux lecteurs chinois –, confiants désormais en leur capacité de diffusion et de distribution. Ce qui ne les empêche pas de saisir très rapidement des best sellers français dont la publication en Chine peut devenir un petit événement. Les droits en chinois de De Gaulle, mon père ont ainsi été achetés seulement trois semaines après la sortie de ce livre en France.En ce qui concerne la littérature, ce sont les auteurs classiques qui marchent le mieux. Un éditeur vient de signer les contrats pour dix recueils de grands poètes français du XXe siècle (Gallimard). Les romans contemporains sont plus difficiles à faire accepter par les lecteurs chinois, sauf
pour des auteurs de grande renommée : après Marguerite Duras, l’engouement s’est porté sur Milan Kundera. La série Peggy Sue de Serge Brussolo connaît aussi un grand succès, en « prenant en marche le même train que Harry Potter », selon l’expression de son éditeur chinois. De courts textes comme Paris l’instant de Philippe Delerm, Bouquiner d’Annie François ou Lettre à un petit garçon de Christine Clerc trouvent aussi leur place dans les catalogues chinois. Comment traiter le stress, la dépression, comment maigrir… : les Chinois commençant à partager les mêmes soucis que les Occidentaux, certains éditeurs sont tentés par des ouvrages de psychologie pratique.

Comment travaillez-vous ? Jusqu’où intervenez-vous ?
F. C. : Dans ce travail, la communication régulière compte énormément. Internet, le mail et le téléphone me permettent de rester en contact avec mes partenaires chinois, pour prospecter des ouvrages et régler des affaires. Je passe chaque année 2 ou 3 mois en Chine, pour mieux sentir l’atmosphère, et prendre connaissance de l’évolution du marché du livre, notamment en matière de législation.Comme outil de travail essentiel, je me suis constitué mon propre catalogue d’ouvrages pour lesquels je fournis une notice en chinois. Parmi les contrats qui aboutissent, plus de 90 % concernent des ouvrages que j’ai recommandés.

Dans ce travail, la communication régulière compte énormément. Internet, le mail et le téléphone me permettent de rester en contact avec mes partenaires chinois, pour prospecter des ouvrages et régler des affaires. Je passe chaque année 2 ou 3 mois en Chine, pour mieux sentir l’atmosphère, et prendre connaissance de l’évolution du marché du livre, notamment en matière de législation.Comme outil de travail essentiel, je me suis constitué mon propre catalogue d’ouvrages pour lesquels je fournis une notice en chinois. Parmi les contrats qui aboutissent, plus de 90 % concernent des ouvrages que j’ai recommandés.

Y a-t-il des problèmes au moment de la négociation des contrats ?
F. C. : Pour les contrats portant sur des ouvrages de littérature générale, il n’y a plus vraiment de difficultés. Tout le monde respecte les règles du jeu. Mais dans le domaine des ouvrages illustrés, le projet échoue parfois, après une longue négociation, à cause du coût très élevé des droits de reproduction, difficilement compatible avec un prix du livre assez bas en Chine, ou de l’excès de prudence des éditeurs français.

Pour les contrats portant sur des ouvrages de littérature générale, il n’y a plus vraiment de difficultés. Tout le monde respecte les règles du jeu. Mais dans le domaine des ouvrages illustrés, le projet échoue parfois, après une longue négociation, à cause du coût très élevé des droits de reproduction, difficilement compatible avec un prix du livre assez bas en Chine, ou de l’excès de prudence des éditeurs français.

Pensez-vous que la hausse des traductions des auteurs chinois liées au Salon du Livre s’installera dans la durée ?
F. C. : La présence des auteurs chinois au Salon du Livre entrainera plus d’intérêt des lecteurs français pour eux. Toutefois, pour développer cette présence, il faudrait que les éditeurs français soient mieux informés et se débarrassent des idées reçues. Il faudrait qu’ils considèrent la Chine, non seulement comme un grand marché potentiel, mais aussi comme un pays d’une grande richesse culturelle et intellectuelle, se traduisant dans une production éditoriale qu’ils doivent, dans les échanges commerciaux, considérer à l’aune de leurs propres critères.

La présence des auteurs chinois au Salon du Livre entrainera plus d’intérêt des lecteurs français pour eux. Toutefois, pour développer cette présence, il faudrait que les éditeurs français soient mieux informés et se débarrassent des idées reçues. Il faudrait qu’ils considèrent la Chine, non seulement comme un grand marché potentiel, mais aussi comme un pays d’une grande richesse culturelle et intellectuelle, se traduisant dans une production éditoriale qu’ils doivent, dans les échanges commerciaux, considérer à l’aune de leurs propres critères.

NB : Les éditeurs avec lesquels Feng CHen travaille le plus régulièrement sont Renmin University Press, Hebei Education Press, Gaungxi University Press, Peking University Press, Hunan University Press, Shanghai Bertelsmann Publishing, Hainan Publishing House, Citic Publishing House, Jieli Publishing House, Baihua Publishing House, Art & Culture Publishing House, Baihua Art & Culture Publishing House.

Bai Bing (Editions Jieli)
(propos recueillis et traduits par Feng Chen, agent littéraire)

Feng Chen : Pouvez-vous nous présenter votre maison d’édition ?
Bai Bing : La maison d’édition Jieli (« du Relais »), dont je suis responsable, est une maison indépendante de taille moyenne, située à Na Ning, capitale de la province du Juang Xi. Elle produit principalement des manuels pédagogiques – pour l’école primaire et le lycée – et réalise un chiffre d’affaires d’environ 1,2 milliard de yuans (soit 114 millions d’euros). Notre succursale de Pékin publie surtout des livres de littérature de jeunesse, diffusés à la fois par la librairie Xin Hua (« Nouvelle Chine ») et par des diffuseurs privés, et réalise un chiffre d’affaires de 800 millions de yuans (soit 76 millions d’euros). Les éditions Jieli ont été fondées en 1990 par Mme Li Yuan Jun, avec l’idée d’offrir des ouvrages de qualité aux jeunes lecteurs, et de jouer un rôle de transmission culturelle, d’où son nom.

La maison d’édition Jieli (« du Relais »), dont je suis responsable, est une maison indépendante de taille moyenne, située à Na Ning, capitale de la province du Juang Xi. Elle produit principalement des manuels pédagogiques – pour l’école primaire et le lycée – et réalise un chiffre d’affaires d’environ 1,2 milliard de yuans (soit 114 millions d’euros). Notre succursale de Pékin publie surtout des livres de littérature de jeunesse, diffusés à la fois par la librairie Xin Hua (« Nouvelle Chine ») et par des diffuseurs privés, et réalise un chiffre d’affaires de 800 millions de yuans (soit 76 millions d’euros). Les éditions Jieli ont été fondées en 1990 par Mme Li Yuan Jun, avec l’idée d’offrir des ouvrages de qualité aux jeunes lecteurs, et de jouer un rôle de transmission culturelle, d’où son nom.

F. C. : Quelles ont été votre formation et votre expérience avant de devenir éditeur ?
B. B. : J’étais journaliste dans l’armée, époque à laquelle j’ai publié des livres de jeunesse en tant qu’auteur : des romans, des contes (Un éléphant qui avale la nuit) et des poèmes (Le cœur d’enfant s’envole) qui ont obtenu plusieurs prix. Je suis diplômé de l’Université normale de Pékin, qui est une université des enseignants, où j’ai obtenu un mastère en littérature. J’ai aussi travaillé pour la télévision, comme metteur en scène pour des dessins animés. Avant de travailler pour la maison Jieli, j’étais éditeur à la maison d’édition des Écrivains, dont je suis devenu ensuite vice-président. Je suis également membre de l’Association des écrivains de livres de jeunesse.

J’étais journaliste dans l’armée, époque à laquelle j’ai publié des livres de jeunesse en tant qu’auteur : des romans, des contes () et des poèmes () qui ont obtenu plusieurs prix. Je suis diplômé de l’Université normale de Pékin, qui est une université des enseignants, où j’ai obtenu un mastère en littérature. J’ai aussi travaillé pour la télévision, comme metteur en scène pour des dessins animés. Avant de travailler pour la maison Jieli, j’étais éditeur à la maison d’édition des Écrivains, dont je suis devenu ensuite vice-président. Je suis également membre de l’Association des écrivains de livres de jeunesse.

F. C. : Quelle part représentent les livres pour la jeunesse dans votre production ?
B. B. : Notre maison d’édition produit chaque année environ 200 ouvrages. Les livres de jeunesse correspondent à 80 % de notre production, dont 53 % sont des ouvrages chinois. Le reste consiste en traductions, principalement de l’anglais et du japonais, mais aussi de l’allemand, et un peu d’autres langues. Notre maison d’édition a toujours accordé une grande importance à cette coopération avec les éditeurs étrangers. En France, nous travaillons déjà avec Flammarion, Gallimard et Plon.
Parmi les ouvrages chinois, les romans et les contes occupent la première place, viennent ensuite les albums. La part des documentaires reste faible. Nous couvrons toutes les tranches d’âges : des tout-petits (de 0 à 5 ans) aux jeunes adultes (de 18 à 30 ans). En Chine, même pour une maison d’édition spécialisée dans les livres de jeunesse, il est difficile de produire des ouvrages destinés à une seule tranche d’âge, car aucun de nos diffuseurs n’est aussi spécialisé.

Notre maison d’édition produit chaque année environ 200 ouvrages. Les livres de jeunesse correspondent à 80 % de notre production, dont 53 % sont des ouvrages chinois. Le reste consiste en traductions, principalement de l’anglais et du japonais, mais aussi de l’allemand, et un peu d’autres langues. Notre maison d’édition a toujours accordé une grande importance à cette coopération avec les éditeurs étrangers. En France, nous travaillons déjà avec Flammarion, Gallimard et Plon.Parmi les ouvrages chinois, les romans et les contes occupent la première place, viennent ensuite les albums. La part des documentaires reste faible. Nous couvrons toutes les tranches d’âges : des tout-petits (de 0 à 5 ans) aux jeunes adultes (de 18 à 30 ans). En Chine, même pour une maison d’édition spécialisée dans les livres de jeunesse, il est difficile de produire des ouvrages destinés à une seule tranche d’âge, car aucun de nos diffuseurs n’est aussi spécialisé.

F. C. : Comment menez-vous vos projets éditoriaux ?
B. B. : En ce qui concerne la politique éditoriale, nous sommes relativement autonomes. Le gouvernement donne, par principe, une orientation – assez abstraite – de l’effet social et économique, encourage la créativité, mais n’intervient jamais sur la ligne éditoriale. Nous avons le champ relativement libre pour appliquer nos propres critères, fondés sur une évaluation de la demande des lecteurs et la mise en relief de l’originalité de notre maison d’édition.
Nous privilégions également une sorte d’interaction entre écrivains, éditeurs et lecteurs, afin de créer le meilleur réseau d’exploitation possible autour d’un succès.

En ce qui concerne la politique éditoriale, nous sommes relativement autonomes. Le gouvernement donne, par principe, une orientation – assez abstraite – de l’effet social et économique, encourage la créativité, mais n’intervient jamais sur la ligne éditoriale. Nous avons le champ relativement libre pour appliquer nos propres critères, fondés sur une évaluation de la demande des lecteurs et la mise en relief de l’originalité de notre maison d’édition.Nous privilégions également une sorte d’interaction entre écrivains, éditeurs et lecteurs, afin de créer le meilleur réseau d’exploitation possible autour d’un succès.

F. C. : Quel marché représente le livre pour la jeunesse ?
B. B. : Le tirage minimum d’un titre est de 8 000 exemplaires. La vente moyenne de chaque ouvrage est de 78 000 exemplaires. Durant les deux dernières années, quatre ouvrages ont atteint les 200 000 exemplaires vendus, dix-sept les 100 000, et soixante et onze ouvrages les 50 000 exemplaires vendus. Nos dernières meilleures ventes ont été loin devant la série « Chair de poule », avec seize titres publiés et plusieurs centaines de milliers d’exemplaires vendus en deux ans, puis la série chinoise « Ma Iao Tiao », avec six titres publiés et 300 000 exemplaires vendus en un an, « Peggy Sue » avec trois titres et 120 000 exemplaires.
En Chine, les enfants et les adolescents représentent près du quart de la population (287 millions d’enfants ont moins de 15 ans). Avec la réforme et l’ouverture de la Chine, l’augmentation du revenu par habitant et l’amélioration du niveau de consommation de loisirs et d’éducation, le secteur du livre de jeunesse en Chine se développe rapidement. Mais il est fort concurrentiel : s’il n’y a que 33 maisons d’édition spécialisées en livres pour enfants, 500 autres maisons d’édition se mettent à publier pour la jeunesse. Il faut, pour réussir, une créativité permanente de la part des éditeurs et des auteurs.
Le développement et l’évolution des livres de jeunesse sont étroitement liés aux nouveaux supports multimédias, ce qui favorisera sans doute un développement des albums. Beaucoup d’auteurs jeunesse essaient de créer des ouvrages qui pourraient correspondre à des adaptations audiovisuelles – télévision et cinéma – ou à la bande dessinée. (C’est le cas de la série « Ma Iao Tiao », ou des livres de Qing Wen Jun et Cao Wen Yuan, qui sont par ailleurs diffusés sur Internet.)
Il faut aussi compter avec l’apparition de nouveaux matériaux, de nouvelles technologies. Le livre de jeunesse bénéficie en Chine de multiples formats, de papiers différents, de techniques pour créer du relief, d’encres spéciales, etc., rendant les ouvrages attractifs.

Le tirage minimum d’un titre est de 8 000 exemplaires. La vente moyenne de chaque ouvrage est de 78 000 exemplaires. Durant les deux dernières années, quatre ouvrages ont atteint les 200 000 exemplaires vendus, dix-sept les 100 000, et soixante et onze ouvrages les 50 000 exemplaires vendus. Nos dernières meilleures ventes ont été loin devant la série « Chair de poule », avec seize titres publiés et plusieurs centaines de milliers d’exemplaires vendus en deux ans, puis la série chinoise « Ma Iao Tiao », avec six titres publiés et 300 000 exemplaires vendus en un an, « Peggy Sue » avec trois titres et 120 000 exemplaires.En Chine, les enfants et les adolescents représentent près du quart de la population (287 millions d’enfants ont moins de 15 ans). Avec la réforme et l’ouverture de la Chine, l’augmentation du revenu par habitant et l’amélioration du niveau de consommation de loisirs et d’éducation, le secteur du livre de jeunesse en Chine se développe rapidement. Mais il est fort concurrentiel : s’il n’y a que 33 maisons d’édition spécialisées en livres pour enfants, 500 autres maisons d’édition se mettent à publier pour la jeunesse. Il faut, pour réussir, une créativité permanente de la part des éditeurs et des auteurs.Le développement et l’évolution des livres de jeunesse sont étroitement liés aux nouveaux supports multimédias, ce qui favorisera sans doute un développement des albums. Beaucoup d’auteurs jeunesse essaient de créer des ouvrages qui pourraient correspondre à des adaptations audiovisuelles – télévision et cinéma – ou à la bande dessinée. (C’est le cas de la série « Ma Iao Tiao », ou des livres de Qing Wen Jun et Cao Wen Yuan, qui sont par ailleurs diffusés sur Internet.)Il faut aussi compter avec l’apparition de nouveaux matériaux, de nouvelles technologies. Le livre de jeunesse bénéficie en Chine de multiples formats, de papiers différents, de techniques pour créer du relief, d’encres spéciales, etc., rendant les ouvrages attractifs.

F. C. : Quelle est la part d’influence des ouvrages étrangers ?
B. B. : Nous traduisons avec succès beaucoup d’ouvrages étrangers qui ont une grande influence sur les lecteurs, comme sur les auteurs, chinois. Toutefois, nous devons développer davantage notre littérature, nos propres traditions culturelles, en s’inspirant d’autres cultures, pour maintenir notre force de créativité et de développement. La demande des jeunes lecteurs en Chine s’accroit. Les livres de jeunesse n’étaient autrefois perçus que comme un moyen d’éducation et de pédagogie. Maintenant, ils ont acquis une vraie place de loisir et de jeu, pour le développement de l’imaginaire et la créativité des enfants.

Nous traduisons avec succès beaucoup d’ouvrages étrangers qui ont une grande influence sur les lecteurs, comme sur les auteurs, chinois. Toutefois, nous devons développer davantage notre littérature, nos propres traditions culturelles, en s’inspirant d’autres cultures, pour maintenir notre force de créativité et de développement. La demande des jeunes lecteurs en Chine s’accroit. Les livres de jeunesse n’étaient autrefois perçus que comme un moyen d’éducation et de pédagogie. Maintenant, ils ont acquis une vraie place de loisir et de jeu, pour le développement de l’imaginaire et la créativité des enfants.

Dans ce travail, la communication régulière compte énormément. Internet, le mail et le téléphone me permettent de rester en contact avec mes partenaires chinois, pour prospecter des ouvrages et régler des affaires. Je passe chaque année 2 ou 3 mois en Chine, pour mieux sentir l’atmosphère, et prendre connaissance de l’évolution du marché du livre, notamment en matière de législation.Comme outil de travail essentiel, je me suis constitué mon propre catalogue d’ouvrages pour lesquels je fournis une notice en chinois. Parmi les contrats qui aboutissent, plus de 90 % concernent des ouvrages que j’ai recommandés.Pour les contrats portant sur des ouvrages de littérature générale, il n’y a plus vraiment de difficultés. Tout le monde respecte les règles du jeu. Mais dans le domaine des ouvrages illustrés, le projet échoue parfois, après une longue négociation, à cause du coût très élevé des droits de reproduction, difficilement compatible avec un prix du livre assez bas en Chine, ou de l’excès de prudence des éditeurs français. La présence des auteurs chinois au Salon du Livre entrainera plus d’intérêt des lecteurs français pour eux. Toutefois, pour développer cette présence, il faudrait que les éditeurs français soient mieux informés et se débarrassent des idées reçues. Il faudrait qu’ils considèrent la Chine, non seulement comme un grand marché potentiel, mais aussi comme un pays d’une grande richesse culturelle et intellectuelle, se traduisant dans une production éditoriale qu’ils doivent, dans les échanges commerciaux, considérer à l’aune de leurs propres critères. (propos recueillis et traduits par Feng Chen, agent littéraire)La maison d’édition Jieli (« du Relais »), dont je suis responsable, est une maison indépendante de taille moyenne, située à Na Ning, capitale de la province du Juang Xi. Elle produit principalement des manuels pédagogiques – pour l’école primaire et le lycée – et réalise un chiffre d’affaires d’environ 1,2 milliard de yuans (soit 114 millions d’euros). Notre succursale de Pékin publie surtout des livres de littérature de jeunesse, diffusés à la fois par la librairie Xin Hua (« Nouvelle Chine ») et par des diffuseurs privés, et réalise un chiffre d’affaires de 800 millions de yuans (soit 76 millions d’euros). Les éditions Jieli ont été fondées en 1990 par Mme Li Yuan Jun, avec l’idée d’offrir des ouvrages de qualité aux jeunes lecteurs, et de jouer un rôle de transmission culturelle, d’où son nom.J’étais journaliste dans l’armée, époque à laquelle j’ai publié des livres de jeunesse en tant qu’auteur : des romans, des contes () et des poèmes () qui ont obtenu plusieurs prix. Je suis diplômé de l’Université normale de Pékin, qui est une université des enseignants, où j’ai obtenu un mastère en littérature. J’ai aussi travaillé pour la télévision, comme metteur en scène pour des dessins animés. Avant de travailler pour la maison Jieli, j’étais éditeur à la maison d’édition des Écrivains, dont je suis devenu ensuite vice-président. Je suis également membre de l’Association des écrivains de livres de jeunesse.Notre maison d’édition produit chaque année environ 200 ouvrages. Les livres de jeunesse correspondent à 80 % de notre production, dont 53 % sont des ouvrages chinois. Le reste consiste en traductions, principalement de l’anglais et du japonais, mais aussi de l’allemand, et un peu d’autres langues. Notre maison d’édition a toujours accordé une grande importance à cette coopération avec les éditeurs étrangers. En France, nous travaillons déjà avec Flammarion, Gallimard et Plon.Parmi les ouvrages chinois, les romans et les contes occupent la première place, viennent ensuite les albums. La part des documentaires reste faible. Nous couvrons toutes les tranches d’âges : des tout-petits (de 0 à 5 ans) aux jeunes adultes (de 18 à 30 ans). En Chine, même pour une maison d’édition spécialisée dans les livres de jeunesse, il est difficile de produire des ouvrages destinés à une seule tranche d’âge, car aucun de nos diffuseurs n’est aussi spécialisé.En ce qui concerne la politique éditoriale, nous sommes relativement autonomes. Le gouvernement donne, par principe, une orientation – assez abstraite – de l’effet social et économique, encourage la créativité, mais n’intervient jamais sur la ligne éditoriale. Nous avons le champ relativement libre pour appliquer nos propres critères, fondés sur une évaluation de la demande des lecteurs et la mise en relief de l’originalité de notre maison d’édition.Nous privilégions également une sorte d’interaction entre écrivains, éditeurs et lecteurs, afin de créer le meilleur réseau d’exploitation possible autour d’un succès.Le tirage minimum d’un titre est de 8 000 exemplaires. La vente moyenne de chaque ouvrage est de 78 000 exemplaires. Durant les deux dernières années, quatre ouvrages ont atteint les 200 000 exemplaires vendus, dix-sept les 100 000, et soixante et onze ouvrages les 50 000 exemplaires vendus. Nos dernières meilleures ventes ont été loin devant la série « Chair de poule », avec seize titres publiés et plusieurs centaines de milliers d’exemplaires vendus en deux ans, puis la série chinoise « Ma Iao Tiao », avec six titres publiés et 300 000 exemplaires vendus en un an, « Peggy Sue » avec trois titres et 120 000 exemplaires.En Chine, les enfants et les adolescents représentent près du quart de la population (287 millions d’enfants ont moins de 15 ans). Avec la réforme et l’ouverture de la Chine, l’augmentation du revenu par habitant et l’amélioration du niveau de consommation de loisirs et d’éducation, le secteur du livre de jeunesse en Chine se développe rapidement. Mais il est fort concurrentiel : s’il n’y a que 33 maisons d’édition spécialisées en livres pour enfants, 500 autres maisons d’édition se mettent à publier pour la jeunesse. Il faut, pour réussir, une créativité permanente de la part des éditeurs et des auteurs.Le développement et l’évolution des livres de jeunesse sont étroitement liés aux nouveaux supports multimédias, ce qui favorisera sans doute un développement des albums. Beaucoup d’auteurs jeunesse essaient de créer des ouvrages qui pourraient correspondre à des adaptations audiovisuelles – télévision et cinéma – ou à la bande dessinée. (C’est le cas de la série « Ma Iao Tiao », ou des livres de Qing Wen Jun et Cao Wen Yuan, qui sont par ailleurs diffusés sur Internet.)Il faut aussi compter avec l’apparition de nouveaux matériaux, de nouvelles technologies. Le livre de jeunesse bénéficie en Chine de multiples formats, de papiers différents, de techniques pour créer du relief, d’encres spéciales, etc., rendant les ouvrages attractifs.Nous traduisons avec succès beaucoup d’ouvrages étrangers qui ont une grande influence sur les lecteurs, comme sur les auteurs, chinois. Toutefois, nous devons développer davantage notre littérature, nos propres traditions culturelles, en s’inspirant d’autres cultures, pour maintenir notre force de créativité et de développement. La demande des jeunes lecteurs en Chine s’accroit. Les livres de jeunesse n’étaient autrefois perçus que comme un moyen d’éducation et de pédagogie. Maintenant, ils ont acquis une vraie place de loisir et de jeu, pour le développement de l’imaginaire et la créativité des enfants.

 

Je constate une grande ouverture à la diversité. Il y a cinq ou six ans, tous les éditeurs se ruaient vers les mêmes ouvrages, les romans lauréats des prix littéraires ou qui faisaient parler d’eux. Aujourd’hui, beaucoup d’éditeurs cherchent à mieux définir leur ligne éditoriale et à l’installer dans le long terme, à « inscrire leur empreinte ». Ainsi, pour les ouvrages des sciences humaines, qui peuvent être appréciés en Chine par un public assez large, les éditeurs se montrent de plus en plus audacieux et ouverts à des collections dont le concept est original, collections existant de longue date comme « La vie quotidienne » chez Hachette Littératures (dont 30 titres ont été achetés par un éditeur chinois) ou de toutes nouvelles collections comme « Idées reçues » aux éditions du Chevalier Bleu (dont un éditeur chinois a acheté les droits de 20 titres). Ils publient aussi d’une manière plus systématique les ouvrages de grands penseurs – les œuvres complètes de Lévi-Strauss sont ainsi peu à peu accessibles aux lecteurs chinois –, confiants désormais en leur capacité de diffusion et de distribution. Ce qui ne les empêche pas de saisir très rapidement des best sellers français dont la publication en Chine peut devenir un petit événement. Les droits en chinois de ont ainsi été achetés seulement trois semaines après la sortie de ce livre en France.En ce qui concerne la littérature, ce sont les auteurs classiques qui marchent le mieux. Un éditeur vient de signer les contrats pour dix recueils de grands poètes français du XX