PARENT, Maud

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Auteure de 29 ans, plongée dans l’écriture depuis ses 18 ans, Maud Parent a été motivée par les encouragements de sa professeure de lettres lors de la préparation de son bac littéraire.
Elle interprète le monde dans ses histoires, nourrie de son expérience de réceptionniste en hôtellerie-restauration, face au burlesque de la vie, à l’improbable réalité qui souvent dépasse la fiction.
Grande fan de culture populaire, de littérature de science-fiction et fantastique, de cinéma grand public et jeux vidéoludiques, Maud Parent ne s'est jamais détournée de l’écriture, mais sa carrière professionnelle a pris le tournant plus singulier d’une reconversion dans le domaine viti-vinicole. Sa vie s’articule aujourd'hui entre les rangs des vignes de Touraine et les lignes de ses textes, ces derniers s’enrichissant de ses expériences et nombreuses rencontres. Son but est de continuer à se former dans le monde vinicole pour ensuite valider un diplôme d’œnologie (prés. éd. Hachette)

A propos de la série "My Korean lover" Ed. Hachette, 2 vol. 2020 et 2021

Nous suivons les pérégrinations d'une jeune photographe en Corée, chargée de la réalisation d'un livre sur le groupe leader de la kpop à Séoul. Tout au long du premier volume, nous découvrons ce milieu particulier le la kpop, de la culture coréenne, avant de se poursuivre à Paris pour le second volume. Cette série tranche avec l'univers très codé du roman d'amour et de la kpop pour ados. L'héroïne est majeure, et tous les sujets sont abordés, à travers la complexité des personnages.

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Pourquoi êtes-vous venue à l’écriture ?

Plus jeune j’ai ressenti ce besoin de raconter des histoires. Avant tout c’était pour m’évader d’une enfance et d’une adolescence compliquée. On cherche souvent un sens à la vie, et pour moi c’est passé par l’écriture. Cette façon simple de contrôler un monde, de créer des amis, de fantasmer des aventures que je ne vivrais jamais, d’aller là où la peur me retient d’aller. Au fur et à mesure de mes expériences c’est devenu une façon de comprendre le monde qui m’entourait, et de communiquer avec moi-même, comprendre les autres et me comprendre moi.

Pourquoi une série sur la K-pop ?

Je suis avant tout une chercheuse d’histoire. Alors lorsqu’une amie m’a fait découvrir cet univers, il y a plus de dix ans maintenant, la première chose que je me suis dit c’est ça mérite d’être raconté. Je ne savais pas encore comment, je ne savais pas encore pourquoi mais la complexité de ce monde m’avait touchée. Une des premières choses que l’on m’a présenté c’étaient les codes, il y a le leader, le visuel, le danseur, le rappeur... Chacun a sa place et chacun fait ce que l’on exige de lui. Puis ensuite est venu l’envers du décor, où j’ai vite compris que c’était là que l’histoire se trouvait réellement. C’est un monde cruel, qui ne donne pas de deuxième chance. Un business qui ne laisse presque pas de place à l’humain. C’est cette dichotomie qui m’a plu, ce monde de façade, bon enfant, joyeux et attirant qui contraste avec la dure réalité derrière les portes fermées.

Quelles sont vos affinités avec la Corée ?

J’ai découvert la culture sud-coréenne petit à petit au fil des ans, en construisant ce roman mais aussi en suivant des groupes que j’affectionne particulièrement. J’aime encore une fois cette dualité culturelle où le rythme de vie est infernal mais où le plaisir est un art de vivre. On sait prendre le temps comme nulle part ailleurs. Les traditions culinaires sont incroyables, la cellule familiale est très importante, et l’idée de prendre soin de soi est prépondérante même si elle est très accès sur le paraitre. J’aime la douceur de vivre qui transparait malgré la frénésie ambiante. Mais mon véritable coup de cœur a été pour le cinéma noir sud-coréen. Des films comme Mademoiselle, Old Boy, Stoker, Lady Vengeance de Park Chan Wook, ou encore Memories of Murder, the Chaser et bien d’autres encore. C’est cette façon de voir le monde, et surtout la société, avec un regard froid et un recul plein d’ironie, un peu d’amertume et une bonne dose d’humour. Certes ce sont des points de vue intrinsèques à des personnalités uniques, mais il y a un avant-gardisme certain dans le regard de ces réalisateurs. J’apprécie particulièrement le point de vue de ceux qui, comme moi, racontent des histoires. Savoir synthétiser la complexité d’une société et de l’humain est un défi remarquable. Et ils réussissent haut la main. Ils ont l’avantage d’avoir vu évoluer leur société à un rythme complètement fou, la Corée du Sud est passée d’un pays parmi les plus pauvres au monde à, en seulement quelques décennies plus tard, réussir à se hisser parmi les 15 premières puissances mondiales. Et ils sont dans le futur selon moi. Si je veux avoir une idée d’où se dirige le monde, je jette un regard vers la Corée et je sais à peu près la direction que l’on empruntera tous dans quelques années.

Vous abordez une thématique qui répond habituellement à un univers très codé : pourquoi cette approche bousculant ce genre, quel lectorat souhaitez-vous viser ?

Dans ma quête d’histoire j’ai rencontré le défi de la narration addictive, comment rendre captivante une histoire ? Et logiquement en a découlé ce questionnement sur l’originalité. Je ne veux pas que le lecteur appréhende un personnage ou une situation dans son intégralité juste en quelques lignes. La vie est plus complexe, la société et ceux qui nous entourent le sont aussi. Sans compter que bousculer le genre et remettre en question les codes c’est un défi moderne. On vit dans un monde qui veut absolument nous définir. Je n’ai rien contre ça et bien au contraire c’est un moyen parfait pour assumer son ou ses identités face aux autres. Mais définir c’est aussi limiter, et je crois en la complexité de l’être humain. Et je construis mes romans comme j’appréhende la vie, avec sincérité.

Je n’écris pas d’histoires pour une certaine catégorie de personne ou un âge donné. Je considère un adulte comme l’enfant qu’il a été et je vois les enfants comme les adultes qu’ils deviendront. Je ne sous-estime pas l’intelligence des jeunes et je prie pour que les plus âgés gardent toujours une part d’enfant en eux. Concernant le public, on m’a déjà demandé essaie de vendre ton roman, moi je n’aime pas la romance, je ne connais rien à la K-Pop et ce n’est pas un sujet qui m’intéresse. Mais essaie de me vendre ton roman. Et j’ai beaucoup aimé cette question. Parce que j’ai pu mettre le doigt sur ce que j’avais envie d’offrir à ceux qui me lisent. De la vie. Des bouts de moi, des morceaux de ceux que j’ai croisés. De l’humain en somme. Peu importe le thème, peu importe l’âge, peu importe le pays, mes romans sont des rencontres, des découvertes, parfois un pèlerinage intérieur, et c’est du partage tout simplement.

Quand j’étais petite et très apeurée par tout ce qui m’entourait, est venu le temps décisif de choisir un métier. Et je ne savais pas quoi faire, je ne voulais absolument pas rencontrer de monde, je voulais travailler dans mon coin et qu’on me foute la paix. Alors je me suis dit, romancière, ce serait génial, c’est exactement ce qu’il me faudrait. Mais la réalité m’a vite rattrapée. J’ai bien évidemment continué d’écrire. Et un jour j’ai compris que si je voulais faire de la bonne fiction, je devais comprendre et échanger avec les gens. Être romancière ce n’est pas se planquer du monde et fuir la réalité, être romancière c’est plonger la tête la première hors de sa zone de confort et aller explorer le monde qui nous entoure et écouter les autres. Je réalise maintenant que l’écriture m’a aidé à traverser une enfance difficile et qu’elle aura fait de moi une adulte équilibrée. Alors si j’ai réussi à me retrouver entre les pages de mes romans, j’espère que je pourrais en aider d’autres comme moi. Et finalement je pense que ce n’est pas moi qui vais trouver mon public, mais plutôt lui qui me trouvera.

Les deux principaux protagonistes, Lila et Kim peuvent perturber certains lecteurs : ils sont un peu mystérieux, on ne peut pas de suite s’identifier, avoir une approche très facile de leur personnalité. Un choix pris dès le début de l’écriture de cette histoire ?

Complètement. C’est un peu comme dans la vie de tous les jours. On rencontre des gens, on se fait une idée d’eux, et on apprend à les connaitre au fur et à mesure que le temps passe. On les découvre, on les voit faire face à des situations et faire leurs propres choix. Puis lorsque l’on se rappelle des premières interactions avec ces gens, la façon dont on les voyait, on réalise que l’on s’était trompé sur eux… Ou pas.

Lila, l’héroïne surprend par sa découverte de la k-pop, presque hostile, distante, loin des « héroïnes » de roman sur ce thème : pourquoi cette approche ?

Elle ne fait pas partie de ce monde, elle gravite autour du show business et c’est sa première insertion dans cet univers complexe. C’est une découverte totale pour elle. Et tout ce qui est nouveau peut être déroutant et effrayant surtout lorsque c’est tant codifié et qu’on n’a pas toutes les cartes en main (comme le passage de l’enfance au monde adulte). C’est une héroïne simple, sa vie se résume à ses amis, son chat et son job. De plus c’est une jeune adulte, elle a encore tout à apprendre de la vie. C’est ce que les gens méprenne souvent, cette hostilité de façade qui n’est qu’une réponse maladroite face à une crainte primaire de ce que l’on ne connait pas.

Ce qui est difficile à appréhender, c’est la perception des lecteurs qui est inhérente à leur sensibilité et leurs expériences. Une phrase simple peut prendre différentes intonations ou connotations en fonction de notre humeur, de notre vécu… Je comprends parfaitement le lissage de personnalité qui est récurrent dans la littérature jeunesse, bien qu’il soit justement en train d’être peu à peu balayé. En tant qu’autrice je dois dépeindre mes personnages en utilisant une palette d’émotions et de sensations qui me sont propres, avec mon vécu et ma sensibilité. Mais lorsque le lecteur appose son regard sur mon histoire, il rajoute sa complexité, sa vision, et son expérience. Et c’est fantastique, on reste dans la notion de partage et de découverte et je respecte tous les ressentis et les perceptions de ceux qui ont suivi l’histoire de Lila et Taehyun.

Dans le tome 2 j’ai une approche plus intimiste de Lila face à ses choix de vie, elle explique comment elle voit les choses et fait preuve de plus de sincérité avec ses émotions. Ce qu’elle a traversé l’a fait grandir et je mets en avant l’évolution du personnage, qui perd un peu de son nombrilisme constant pour élargir son point de vue et s’intéresser plus aux autres. Elle-même l’avoue à la fin du tome 1, elle n’avait rien vu venir elle n’a pas prêté attention aux détails qui font toute la complexité des relations.

Beaucoup d’héroïnes du genre sont mineures, attachantes, fan de k-pop : Lila est majeure, aime boire, faire la fête, parfois un peu « vulgaire ». Un risque pour des lectrices fan de k-pop, non ?

Il faut sortir de sa zone de confort. C’est un peu mon motto dans la vie. Et comme dit précédemment, je considère les jeunes comme des personnes capables de réflexions sages et de remise en question. Ils savent avoir un regard extérieur et prendre du recul, ils ne sont pas dupes et se rendent compte que l’héroïne n’est pas parfaite. Il arrive toujours un moment dans la vie où on se rend compte que nos modèles, nos parents ou autres, ne sont pas infaillibles. Et alors il faut se prendre en main, c’est un tournant dans la vie et offrir ce genre de personnage à un lectorat qui va bientôt rentrer dans le monde des adultes, c’est une sorte de bain préparatoire. On le voit bien avec l’essor des personnages « moralement gris » dans la littérature jeunesse. Le monde n’est pas noir ou blanc et la fiction se doit de dépeindre la réalité plus justement.

Votre série devrait toucher un lectorat de jeunes ados ; la littérature jeunesse, si elle n’a pas de tabou, aborde toujours des sujets sensibles, comme le physique, l’alcool, les jurons dans le langage avec beaucoup de prudence et démagogie. Selon vous, le récit pour ados évolue, en phase avec la société ? La frontière ado/jeune adulte plus floue ?

La frontière a toujours été complètement floue pour moi. C’est une période où l’on se forme, on est curieux, on veut apprendre et comprendre. Ce n’est pas un moment défini dans le temps, on ne se réveille pas un jour en se disant bon, va falloir que je grandisse. C’est un apprentissage plus ou moins compliqué. Pour cela on va utiliser les moyens mis à disposition par la société. La société évolue vite et forcément le récit va suivre le mouvement. La jeunesse est majoritairement définie par son utilisation du numérique. Netflix, réseaux sociaux, smartphones… Pour capter l’attention il faut aller vite, aller à l’essentiel, se démarquer, comprendre les codes et proposer du contenu. Evidemment que les habitudes de lecture évoluent elles aussi. Le récit évolue et représente en même temps la société.

Cela dit, cette quête dans notre jeunesse se poursuit pour beaucoup à l’âge adulte, voire même toute la vie. La jeunesse porte des textes qui lui parle profondément, mais le lectorat est bien plus varié. C’est la force du young adult, il est intergénérationnel.

Quels aspects de la culture coréenne vous ont-ils le plus surprise ?

C’est la hiérarchisation des interactions sociales. On a un véritable mode d’emploi de vie communautaire dans les traditions et l’apprentissage de la langue. J’aime beaucoup, et en même temps c’est très déroutant. On ne va pas s’adresser à un adulte comme l’on s’adresserait à un proche, le comportement aussi est adapté en fonction du formel de la relation.

Aimeriez-vous écrire à nouveau un roman en lien avec la Corée ? Quel sujet ?

Complètement. Je me suis pas mal attardée sur les croyances et les entités fantastiques qui peuplent le folklore sud-coréen. Notamment les traditions chamaniques, les fantômes et les goblins. Mais l’histoire prendrait place loin de Séoul et de sa modernité au beau milieu de la campagne sud-coréenne.

Pouvez-vous nous parler de vos projets ?

J’ai deux projets en cours, un roman futuriste s’intitulant BLACK HOLE mêlant mystère, romance et low sci-fi. On voit une véritable tempête interstellaire prendre place dans notre système solaire, un trou noir, maelstrom de l’espace se rapprochant de la Terre. L’idée est de dépeindre une société utopique où il fait bon vivre, puis j’y ajoute le thème de la catastrophe/fin du monde. Tout en saupoudrant de notre vécu à tous au travers de cette pandémie de Coronavirus qui nous aura montré comment les puissances mondiales réagissent face à un évènement de la sorte. Bien évidemment les héros sont brut de pomme, des personnalités fortes qui vont devoir s’adapter, s’écouter et se dévoiler pour avancer et survivre.

Mon deuxième projet est aux antipodes du premier. Au Nord de l’Enfer et au Sud du Paradis est une relecture du mythe d’Adam et Eve, où le Diable se dévoile être un personnage central. Ce roman fantastique joue avec les mécanismes du conte de fée, prenant place dans une demeure hantée, avec une quête d’indices disséminés tout au long de l’histoire. On suit Evelyne, jeune thanatopractrice qui se retrouve prisonnière d’un intrigant personnage, monsieur Von Topen. Elle réalise rapidement que rien ni personne n’est ce qu’il paraît être, et au fur et à mesure de sa quête, elle découvre sa propre identité.