L'EVASION DES DEUX DRAGONS

L'EVASION DES DEUX DRAGONS : d'après les légendes des paysages de Guilin  /adapt. Can Xi et Jian Wen ; ill. Gan Wuyan, Zhang Daping Ed. en langues étrangères, 1980

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Les voyageurs qui sont allés à Guilin connaissent tous la caverne des dragons (Longynyan) située au pied de la colline du Croissant de Lune (Yueyashan). On peut y voir des traces de fracture laissées sur la paroi du rocher par deux dragons qui ont forcé le passage pour s'envoler vers le ciel ; ceci vous conduira au pays des légendes...

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Il y a très, très longtemps, dans un hameau voisin de la colline du Croissant, vivait un orphelin pauvre ; dès l'âge de 12 ou 13 ans, il avait commencé à mener aux champs un troupeau de canards pour gagner sa vie. Aussi l'appelait-on "le gardeur de canards".

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Qu'il vente ou qu'il neige, sous le soleil et sous la pluie, il mène tous les jours au pied de la colline du Croissant ses canards aux champs et voit souvent deux jeunes gens jouer aux échecs devant l'entrée de la grotte.

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Le gardeur vient de temps en temps les regarder jouer. Parfois les jeunes gens l'invitent à faire une partie. Ils deviennent bons amis.

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Il sait seulement qu'ils sont deux frères de la famille Long (dragon), mais ignore qu'ils sont les maitres de cette grotte, Dragon jaune et Dragon violet.

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Ces deux dragons paresseux passent tout leur temps à manger, jouer, puis dormir. Ce qu'ils aiment, c'est se métamorphoser en deux jeunes gens pour jouer aux échecs sur le seuil de la grotte.

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Un jour, la Troisième soeur Liu, la fée des chansons, arrive à Guilin et les raille par son chant : "Dans une grotte de la colline du Croissant sont tapis deux dragons paresseux ; ils ne savent que manger et dormir. Seraient-ils capables de déchaîner le vent et la pluie?"

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A l'entendre, les deux dragons paresseux tout honteux prennent la décision de quitter leur antre pour faire souffler le vent et tomber la pluie en vue de rendre service à l'humanité. Mais comment sortir sans faire de dégâts?

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Comme d'habitude, transformés en jeunes gens, ils jouent aux échecs, mais le coeur n'y est pas : ils ne peuvent oubler leur soucis.

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Assis à côté d'eux, le gardeur de canards s'aperçoit qu'ils sont distraits et jouent mal. Il se demande quels peuvent bien être leurs soucis.

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Pour les dérider il leur dit : "Voyons, mes frères, moi, un gardeur de canards, toujours à la merci de la faim et du froid, je conserve une gaité ; pourquoi vous, deux hommes oisifs, faites-vous si triste figure?" Les deux dragons lui racontent alors leur ennui avec un rire amer.

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"L'ouverture de cette grotte est si grande, dit gaiement le gardeur de canards ; comment pourriez-vous me faire croire que vous ne pouvez-vous me faire croire que vous ne pouvez pas en sortir?"

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Les deux dragons ricanèrent : "Si nous quittons la grotte, nous soulèverons certainement une tempête de vent et de pluie, capable de détruire la ville de Guilin au nord-ouest et, au sud-ouest, les villages et les champs cultivés. Tu comprends le problème maintenant?"

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Oui, c'est une affaire grave, dit-il, en cillant des yeux. En effet les anciens disent : "Quand le dragon s'envole vers le ciel, l'orage se déchaîne. Votre sortie pourrait causer de terribles catastrophes. Comment faire?"

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Il médite tout en regardant le ruisseau couler. Soudain, la vue des vaguelettes lui donne une idée. Il s'écrie : "Partez sous les eaux! Partez sous les eaux!"

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Les dieu dragons hochent la tête : "Ce ruisseau n'est pas assez large pour nous." "N'y a-t-il pas moyen d'arranger ça?" s'empresse de demander le gardeur de canards. "Si, répond un des dragons, mais tu es trop jeune pour pouvoir nous aider." Vexé de se voir sous-estimé, l'adolescent insiste : "Alors, vous ne voulez pas me faire confiance?"

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Le voyant si résolu, un dragon lui dit : "Il faudrait aller chercher deux grosses tiges de bambous à dragon au sommet de la montagne Yao, à une dizaine de lis d'ici ; en les mettant dans ce ruisseau, elles conduiraient l'eau jusqu'au Lijiang impétueux. Cela nous donnerait une issue dans le lit de la rivière.

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Le gadeur de canards veut partir tout de suite. Mais les deux dragons le retiennent : "La montagne Yao est escarpée et les chemins sont peu sûrs ; là-bas c'est plein de serpents vénimeux et d'animaux féroces ; n'y va pas!" "Je n'ai pas peur", assure-t-il, et ayant chargé les deux dragons de mener ses canards aux champs, il se met e route.

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Après une demi-journée de marche, arrivé au pied de la montagne, il veut se reposer un peu. Soudain un énorme serpent, avec des anneaux du diamètre d'un seau en bois, sort des broussailles, prêt à se jeter sur lui.

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Le gardeur, sans la moindre crainte, lui dit fermement : "Je vais chercher des bambous à dragon au sommet de la montagne pour le bien du peuple. Laisse-moi passer, s'il te plait." Le serpent acquiesce de la tête et disparait.

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Après une journée et une nuit d'ascension, fatigué et blessé par les buissons épineux, les pieds plein d'ampoules et en sang.

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Soudain un tigre féroce surgit d'un bond du bois de pin ; prêt à l'attaquer, il montre griffes et dents.

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Le gardeur, sans la moindre crainte, dit tranquillement : "Grand tigre, je vais chercher des bambous à dragon au sommet de la montagne pour le bien du peuple. Laisse-moi passer, s'il te plait." Le tigre acquiesce de la tête et regagne le bois de pin en rugissant

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Il apaise sa faim en mangeant des fruits sauvages et continue à grimper. Il a une blessure à la main, les pieds enflés, la figure ensanglantée ; ses ampoules crèvent, néanmoins, après une journée et une nuit d'escalade, il est enfin au sommet de la montagne.

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Là, dans une atmosphère de nuages et de brouillard, il voit se dresser devant lui deux bambous à dragon, vert émeraude. Notre gardeur de canards se roule, tout joyeux, à leur pied.

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Quand il va pour couper les bambous, dans un grand bruit d'ailes, un aigle sort de la couche de nuages, prêt à l'attaquer de son bec aigu, de ses serres griffues.

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Le garçon, sans la moindre crainte, dit doucement : "Grand aigle du roc, je viens couper les bambous pour le bien du peuple. Laisse-moi faire." L'air du roc acquiesce de la tête, tournoie par deux fois dans le ciel et s'envole vers les nuages.

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Les bambous coupés, le gardeur de canards s'emploie à percer la paroi de leurs noeuds. C'est un travail pénible et lent ; il a bientôt les doigts en sang.

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Un pic de bois, touché par sa persévérance, vient l'aider avec ses compagnons. Ils piquent avec ardeur pendant un bon moment, mais ils n'ont troué que quelques noeuds.

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Un pangolin vient aussi à la rescousse. Néanmoins il leur faut toute une journée et toute une nuit pour réussir à trouer tous les noeuds des bambous.

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Le gardeur de canards les remercie chaleureusement et descend de la montagne, les bambous à dragon sur l'épaule.

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A marche forcée, de jour et nuit, il faut cnq jours seulement au garçon pour retourner dans la colline du Croissant. Il met alors une tige de bambou dans le ruisseau et une autre dans l'entrée de la grotte où il pénètre à la hâte.

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En le voyant de retour, les deux dragons le serrent dans leurs bras et lui disent avec émotion : "Tu as bien agi et nous t'en sommes reconnaissants ; ce qui nous désole, c'est d'avoir à te quitter. Tu pourras cependant nous voir une dernière fois demain, à l'aube, du sommet de la montagne du Combat de coqs."

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Avant l'aube, le ciel étoilé se couvre brusquement de nuages noirs ; le tonnerre gronde ; le vent souffle en tempête ; bientôt il pleut à torrents.

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Boum! Un bruit assourdissant! C'est le rocher devant la grotte de la Colline du Croissant qui se fend pour laisser les dragons pénétrer dans les conduits de bambous. Le ruisseau se trans forme alors en torrent dont les eaux, comme dix mille chevaux au galop, vont se jeter dans le Lijiang.

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Là, les deux dragons reprennent leur forme monstrueuse ; ils provoquent une crue de la rivière et y soulèvent d'énormes vagues. Ils nagent jusqu'à l'étang du Combat de Coqs (Doujitang) d'où il s'envolent dans un tourbillon pour déchaîner les vents et faire tomber la pluie.

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Du sommet de la montagne du Combat de coqs, le gardeur de canards voit le Lijiang s'éclairer ; il pense que les deux dragons approchent. Il crie de toute sa voix : "Mes frères, je voudrais vous voir encore une fois."

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A ce cri, les dragons surgissent d'une haute vague. Leurs yeux flamboyants éclairent les eaux et les montagnes comme en plein jour.

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Les deux dragons disent à leur ami d'une seule voix : "Cher frère, au revoir, tu auras une vie heureuse." Puis ils partent à regret.

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Le gardeur de canards les voit s'éloigner de plus en plus ; de temps en temps, ils se retournent pour lui jeter un triste regard d'adieu. Dès que les dragons ont disparu, le beau temps revient, les étoiles et la lune se dévoilent.

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Au printemps suivant, comme le gardeur mène ses canards au bord du ruisseau, au pied de la colline du Croissant, tout en contemplant comme en extase le magnifique paysage de Guilin, sur les ailes de la brise lui parvient une chanson mélodieuse : "Il est un jeune gardeur courageux et intelligent. Il a coupé les bambous pour aider les dragons à s'envoler vers le ciel. Maintenant qu'ils font pleuvoir leurs bienfaits sur le peuple, c'est à qui chantera ses mérites". Le garçon lève la tête ; il voit la Troisième Soeur Liu, debout dans le ciel, qui le remercie d'un signe de la main.

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Depuis, on appelle la grotte "L'antre du dragon" et on a gravé sur l'entrée une inscription en quatre caractères : S'envoler en brisant le roc. Et l'écho répand la chanson de louanges de la Troisième Soeur Liu de motagne en montagne.