BENSARD, Eva

Photo bensard

Diplômée de l'École du Louvre et de l'Université de Paris-I (Panthéon-Sorbonne), Eva Bensard collabore avec de nombreuses revues spécialisées dans l'art et l'architecture. Elle écrit également des textes sur l'art à destination des enfants. (prés. Ricochet)

A propos de son livre : "HOKUSAI ET LE FUJISAN" Ed. Amaterra, 2022

Dans la collection L’autre histoire : un narrateur inattendu nous invite à découvrir un trésor de notre patrimoine.

Le Fujisan, montagne sacrée du Japon, raconte la vie d’Hokusai, ce fou de dessin, qui l’a représenté des dizaines de fois, de près comme de loin, dans La Vague, à l’aube ou au crépuscule, sous la neige ou l’orage…

Extrait :
J’étais sa montagne. Il était mon peintre. Il me dessinait sans cesse. À l’aube et au crépuscule. Dans la brume ou sous la neige. Impassible devant l’orage qui éclate, ou incandescent dans les rayons du soleil levant.
Parfois, je me déployais dans toute ma majesté. D’autres fois, je me faisais plus discret, et on m’apercevait dans le lointain. Je tenais compagnie aux voyageurs. Je veillais sur la paysanne qui rentre des champs, son bébé sur le dos. J’assistais, impuissant, au naufrage de pauvres pêcheurs sur le point d’être engloutis par une vague monstrueuse. (note de l'éditeur)

CouvBensard 3

1 – Comment êtes-vous venue au livre pour la jeunesse ?

Il y a eu un concours de circonstance heureux : je tenais une rubrique d'initiation à l'art (pour les enfants) dans un magazine, et celle-ci a beaucoup plu à une maison d'édition. Ils m'ont contactée et c'est ainsi qu'est né mon premier livre, Ma Petite Histoire de l'Art (paru chez Place des Victoires en 2013). Après ça, j'ai eu envie de recommencer !

2 – Vous êtes éditée par plusieurs éditeurs ; comment s’est fait le lien notamment avec les éditions Amaterra ?

J'ai découvert la maison Amaterra au Salon du livre jeunesse à Montreuil : leurs albums illustrés avaient attiré mon attention, en particulier leur collection « L'Autre Histoire », dont je trouvais le principe très chouette : raconter aux enfants un « monument » de notre patrimoine culturel (une œuvre littéraire, un artiste célèbre), mais à travers un point de vue décalé, celui d'un personnage ou d'un objet secondaire. L'odyssée d'Ulysse est racontée par son chien Argos. L'épopée de la guerre de Troie nous est contée par un clou tordu qui a servi à construire le cheval de Troie. J'ai écrit à Amaterra pour leur proposer un album autour de Léonard de Vinci, auquel le Louvre s'apprêtait à consacrer une grande exposition. Ils ont tout de suite dit « oui » et m'ont fait confiance, alors que je n'avais jamais écrit de fiction ! Parue en 2019, « Mona Lisa, ma vie avec Léonard » évoque la vie du peintre à travers les yeux de son tableau préféré, la Joconde. Les illustrations sont malicieuses et pleines de vie, elles ont été réalisées aux crayons de couleurs par Pierre-Emmanuel Lyet. Après ce périple italien avec Léonard, j'avais envie de voyager encore grâce à une histoire, mais sans forcément me limiter à l'Europe. Pourquoi ne pas explorer d'autres cultures ? Le Japon de l'époque Edo m'a toujours fasciné.

3 – Quel est votre rapport à l’art japonais justement, et plus particulièrement avec Hokusai ?

J'ai une passion pour les estampes japonaises. Et pour l'art japonais en général ! J'aime tout : les céramiques, les objets en laque et en écaille, les kimonos... Le raffinement des arts décoratifs de ce pays m'éblouit. J'aime aussi son art populaire : les kokeshi (poupées en bois tradionnelles), les cerfs-volants (qui figurent dans un de mes livres, paru chez La Martinière jeunesse)... Concernant Hokusai, je crois qu'il a été l'une de mes premières émotions esthétiques, quand j'étais étudiante à l'Ecole du Louvre. Le musée Guimet vendait de grandes et belles cartes postales des 36 vues du Mont Fuji, et j'en avais mis quelques-unes chez moi. Aujourd'hui encore, le volcan arrive toujours à se glisser dans un recoin de ma maison – en ce moment, c'est sur le frigo. Hokusai est un artiste immense. Mais c'est aussi un homme incroyable, très attachant, d'une modestie sidérante et d'une curiosité insatiable pour le monde qui l'entoure. Un très beau personnage pour un livre pour enfants !

4 – Avez-vous travaillé avec l’illustrateur ou séparément ?

J'ai travaillé sur le texte avec Amaterra, et j'ai pu compter sur les précieux conseils de Sylvie Misslin, la directrice littéraire. La partie « illustration » est gérée séparément par l'éditeur, ce qui est très courant. Parfois, ce dernier envoie à l'auteur les crayonnés (les premiers croquis). D'autres fois, on découvre les illustrations une fois qu'elles sont achevées. C'est ce qui s'est passé pour celles de Daniele Catalli, qui m'ont étonnée et émerveillée. Je découvrais SA vision d'Hokusai, qu'il a dessiné tout petit – comme le modeste (et génial) artiste qu'il a été –  face au majestueux volcan. Les couleurs, les compositions, rappellent les estampes, mais avec des éléments empruntés aux mangas, aux dessins animés, à la peinture japonaise et chinoise... C'est très beau, très riche, et je conseille aux lecteurs de chercher dans les images les détails parfois incongrus glissés par Daniele.

5 – Selon vous, pour la découverte de l’art, le livre a t-il encore pleinement sa place pour les enfants face aux propositions numériques ?

Oui, totalement. Face à un écran, il est plus difficile de s'évader, de laisser voguer son imagination... Dans un album imprimé, on peut picorer, lire une page ou deux, ou simplement observer en détails une illustration. Reposer le livre puis le reprendre plus tard, parfois des années après, et y découvrir de nouvelles choses. C'est aussi un bel objet, souvent agréable à toucher et à regarder.  Dans le domaine de l'histoire de l'art, les propositions sont très variées (documentaires, fictions, BD), l'offre n'a jamais été aussi riche !

6 – Pouvez-vous nous parler de vos projets ?

Après Le Grand livre des Records de l'Art, paru l'an passé (et illustré par Charlotte Molas), j'ai un nouveau projet de documentaire sur l'art avec les éditions DADA, qui sera là encore totalement illustré (il n'y aura aucune reproduction photo). J'ai hâte de voir les premiers essais de maquette ! Avec Amaterra, d'autres beaux projets sont aussi en cours : une nouveau récit, toujours pour la collection « L'Autre Histoire ». Cette fois, je me suis plongée dans le Paris gouailleur et effervescent des années 1900. Je travaille aussi sur un album pour les tout-petits, un exercice totalement nouveau pour moi, et qui m'enchante !

Bensard 2Bensard 1