MASE, Naokata

NAOKATA MASE

rencontre avec Naokata Mase

par Umberto Signoretti (trad. de l'anglais et adpat.) avec la collaboration des attéchées de presse de l'auteur

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Comment êtes-vous devenu un illustrateur?

Quand j'étais enfant j'aimais les mangas et j'en lisais tout le temps. Je dessinais des personnages dont le caractère me plaisait et je les envoyaient à des magazines pour la page des lecteurs. J'ai créé aussi un petit club de manga.

Le temps a passé mais en arrivant au lycée je savais que je voulais devenir un mangaka. Je me suis joint au club de manga de mon université. J'ai pris mes dessins que j'ai adressé à des éditeurs mais mon travail n'a jamais été publié. Finalement mon intérêt pour le livre d'images a grandi et j'ai commencé à pensé à devenir un illustrateur. Cependant, je ne pouvais pas réaliser ce rêve.

Après avoir terminé l'université, je travaillais dans un coffee-shop, puis chez un petit éditeur où un collègue m'a présenté pour un travaille d'illustration pour un livre destiné aux enfants. Un illustrateur qui a vu mon travail m'a aidé à trouver plus d'occasions pour illustrer des livres d'enfants.

Depuis, je n'ai jamais appris l'art de dessiner et je ne me sens pas être un illustrateur. Comment peut-on devenir un bon illustrateur? J'espère que quelqu'un pourra me le dire.

Comment est né votre premier livre?

J'ai essayé de faire un livre simple avec des trous découpés. Les trous me rappelaient des tunnels et les tunnels me rappelaient des trains.

J'ai réalisé qu'il est très difficile de dessiner un train en mouvement avec une direction claire. Peu importe comment je l'ai déssiné : ce train semblait pouvoir se déplacer dans les deux sens.

Quand j'ai fait une copie factice de "Tchou tchou!", je me suis rendu compte que je pouvais lire le livre à l'envers et que l'histoire avait encore du sens. J'ai donc apporté quelques modifications dans le texte afin de le rendre lisible dans les deux sens.

Il y a plusieurs histoires dans chaque album. On retrouve souvent la même ville et les mêmes personnages.  Avez-vous imaginé cet univers dès le premier album ?

Dans le premier livre, "Tchou tchou!", j'ai dessiné ma voiture et moi-même puis également dans les livres qui ont suivi. Quand il y a beaucoup de personnages en arrière-plan, cela devient complexe et un tracas pour en créer de nouveaux. J'ai donc repris les mêmes personnages pour les livres suivants.

Quand j'ai créé la série "Sea mountain express", j'ai dessiné une carte d'itinéraire et nommé toutes les stations de train. J'ai envisagé de créer une région dans laquelle le train devait circuler. Puis j'ai dessiné cette carte comprenant des villes et des lieux qui figuraient dans mes précédents livres.

C'est ainsi qu'un univers s'est créé au fil des livres dans lesquels on a pu retrouver des véhicules et personnages communs.

La nature est très présente : est-elle plus importante pour vous que la nature?
Je ne vois pas la nature et la ville comme des dichotomies : ce n'est pas contradictoire. Même dans les grandes villes comme Tokyo, les gens essaient de planter des arbres ou plantes dans leur propriété, de faire pousser des fleurs dans des petits pots. Je sens que le désert est magnifique mais seulement quand un être humain la reconnait, l'apprécie ; la beauté n'existe que si elle est reconnue. Au Japon nous utilisons les termes  "sato yama" et "sato umi" pour décrire les lieux. "yama" signifie "montagne", "umi" signifie "mer" et "sato" signifie "village" ou "patrie". D'une certaine façon, vivre dans la nature peut être très difficile ; quand je vois des villes ou des villages où les gens vivent durablement en harmonie avec la nature, je la trouve très belle.

Dans les albums japonais il y a souvent des références culturelles mais votre train traverse des paysages « internationaux ». Est-ce un choix de ne pas représenter le Japon ?

Je suis surpris que mes paysages soient considérés comme "internationaux". Je pensais dessiner des paysages typiquement japonais tout le temps. La raison pour laquelle ils ne semblent pas japonais est peut être due à mon manque de compétences en dessin?

Lorsque je dessine des paysages, je ne fais presque jamais référence à des paysages existants. Je créé mon propre univers en faisant appel à mes souvenirs, de dessins, tableaux, photographies ou paysages vus lors de mes voyages. Ils sont donc inventés ; c'est peut-être pour cela qu'ils semblent familiers et donner l'impression aux lecteurs qu'ils sont "internationaux".

Dans cet album : « Dans mon bus » , le bus reste à l’arrêt et les voyageurs semblent stressés…Est-ce la fin du voyage ?

Le bus n'est pas arrêté dans une station mais exposé devant un grand magasin. Puisque je ne suis pas l'auteur de l'histoire ma réponse ne peut être correcte, mais mon interprétation est que le bus a voyagé à travers le temps et l'espace pour suivre un itinéraire sans jamais quitter vraiment ce lieu.

Quels sont les thèmes que vous souhaitez aborder dans vos prochains livres ?

Je vais continué à créer des livres sur les véhicules tout en explorant d'autres thèmes, pour faire des livres uniques et amusants. Maintenant je veux faire une couverture sur une locomotive avec des marques de balles, lors d'une attaque pendant la guerre. Mais je ne sais pas si je peux réellement faire un album à ce sujet.

Vos livres sont très appréciés en France. Quels sont vos auteurs préférés ?

Lorsque j'avais une vingtaine d'années et que j'aspirais à devenir un mangaka, j'ai jeté un coup d'oeil dans les rayons d'albums pour enfant d'une librairie, espérant y trouver des idées pour des histoires courtes. J'ai été enchanté par ces albums ; certains livres que j'ai vraiment apprécié ou qui m'ont impressionné sont de Léo Lionni, Maurice Sendak et Marie Hall Ets.

Les auteurs japonais sont très appréciés en Occident ; c’est un peu plus difficile pour les autres auteurs asiatiques. Selon vous pourquoi les albums japonais sont si populaires chez nous?

Au 19ème siècle, la culture occidentale a fait son chemin au Japon et les japonais ont accepté et etudié avidement tout ce qui est venu de l'Occident. Depuis, le Japon a égalé l'Occident, en termes de progrès économiques et ont repris confiance dans leur culture, jadis rejetée. Je pense que c'est ainsi que la culture japonaise s'est construite avec une fusion des éléments de culture occidentale et orientale. Peut-être que les occidentaux trouvent la culture japonaise attrayante parce qu'elle est à la fois familière et très différente en même temps.

Les peintres impressionnistes français ont également été attirés par l'Ulyoe japonais, ont pris de la culture japonaise pour l'appliquer dans leurs travaux. Cette base historique pourrait être une autre raison pour laquelle les français aiment les mangas et les albums japonais.

Pouvez-vous nous parler de vos projets ?

Je suis perçu comme écrivant des albums sur les véhicules mais mon désire est d'écire sur les voyages. Alors qu'un voyage avec un but peut être très amusant, un voyage sans destination procure des frissons avec un sentiment de liberté, d'attirance pour l'inconnu. C'est ce que j'attends de la création d'albums aussi. Je n'ai pas une vision claire du résultat mais j'essaie de nouvelles choses, quitte à me perdre parfois mais cela fait partie du plaisir de créer.

L'UNIVERS DE NAOKATA MASE

par Umberto Signoretti

Naokata Mase vit au Japon. Il est diplômé de la Faculté des Lettres de Hosei et membre de la Société des illustrateurs de livres pour enfants du Japon. Le grand succès de Tchou Tchou ! (plus de 60.000 exemplaires vendus dans son pays) l'a incité à poursuivre la série de ses voyages à travers le Japon.(sources éd. Seuil)

Un dessin tout en douceur
 

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Un trait doux, des formes basiques, des couleurs chaudes : un regard enfantin. Voilà la première lecture que l'on peut avoir de l'univers de Mase. Des paysages par tous les temps dans lesquels une petite ville trouve harmineusement sa place.Les véhicules omniprésents se perdent dans les colines et ce paysage équilibré est une invitation à découvrir le Japon. Avec "Tchou Tchou", l'enfant prend place à bord du train, traverse les tunnels comme les saisons, allant de montagne à la plage.

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Avant tout, c'est la nature qui est célébrée : car en deuxième lecture, nous pouvons remarquer la présenc d'une multitude d'animaux : sauvages, gambadant dans la forêt, volant au large ; domestiquée où le troupeau de moutons traverse la route, les citadins se promènent avec des chiens en laisse ou font une halte au zoo. Toute la ville retient son douffle au passage des pompiers qui interviennent pour sauver un chat coincé en haut d'un arbre "Pin-pon". Avec"Voilà le facteur" c'est l'arrivée du printemps que l'on fête avec le réveil de l'ours.

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Le renard est important aussi : emblème de la culture nipponne, il saura sauver un homme en prenant forme humaine et en faisant aparaitre une gare "Neige express".

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En regardant de plus près, en troisième lecture, ce sont une multitude d'activités que l'on peut trouver à faire dans la nature : pêcher, se perdre dans les champs, peindre des paysages, faire un bonhomme de neige, skier ou fêter les saisons comme noël et s'offrir des cadeaux 'tut tut, c'est Noël!"

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L'ensemble de ces albums nous invitent à découvrir une ville de bord de mer : le facteur sur sa mobylette se retrouve en arrière plan des autres albums, tout comme d'autres personnages secondaires, ou bâtiments. Les animaux sont partout.

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Une invitation au voyage

Cet équilivre précaire semble ébranlé avec "Dans mon bus". Si là encore un moyne de locomotion est utilisé pour partir à la découverte de la nature, la modernité semble avoir donné un arrêt brutal à cet éloge de la nature. Le bus ne bouge pas : ce sont les rêves, l'imagination de l'enfant qui vont nous transporter, à la rencontre des animaux ; le renard semble stressé, énervé et s'en prend au chauffeur.

Ce vieux bus est abandonné, garé sur le bas côté d'un grand magasin : est-ce la fin d'une vie paisible dans la petite bourgade?

Bibliographie

"DANS MON BUS" Ed. Seuil, 2015

"FONCE PETIT TRAIN" Ed. Seuil, 2011

"FONCE PETIT TRAIN - TCHOU TCHOU" Ed. Seuil, 2010

"NEIGE EXPRESS" Ed. Seuil, 2011

"TCHOU TCHOU" Ed. Seuil, 2014

"PIN PON" Ed. Seuil, 2011

"TUT TUT C'EST NOEL" Ed. Sorbier, 2010

"VOILA LE FACTEUR" Ed. Seuil, 2011