Iconicité de l'imaginaire japonais dans l'album...

L’iconicité de l’imaginaire japonais dans l’album illustré jeunesse en France

Catherine Cua

Résumé | Index | Plan | Texte | Bibliographie | Notes | Illustrations | Citation | Auteur

Résumé

À travers l’étude de deux albums publiés en France au début du xxie siècle mettant en scène le Japon – Le petit monde de Miki de Dominique Vochelle et Chiyaki Miyamoto et Aoki d’Annelore Parot – cet article examine la construction des représentations, des lieux communs et des stéréotypes et propose de voir quel imaginaire culturel s’en dégage. Ceci afin de s’interroger sur le rapport entretenu entre iconicité et idéologie dans les représentations de l’Autre dans l’album pour la jeunesse. Pour y arriver, il s’agit dans un premier temps d’identifier les principales marques de l’imaginaire japonais dans le message iconique des albums à l’étude. Puis dans un deuxième temps, nous offrons une réflexion sur la façon dont les stéréotypes peuvent investir le code iconique de l’album et sur leurs implications culturelles.

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Entrées d’index

Mots-clés :iconicité, plasticité, stéréotypes, album, Japon, imaginaire, culture, l’Autre, représentation culturelle

Géographique :France, États-Unis, Japon

Chronologique :années 2000, XXIe siècle

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Plan

Le cadre socioculturel de publication

Les lieux communs de l’imaginaire : les 5F

L’imaginaire japonais dans Le petit monde de Miki

L’imaginaire japonais dans Aoki

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    1 Christian Chelebourg, Les fictions de jeunesse, Paris, Presses Universitaires de France, 2013, p. 2 (...)

    2 L’imaginaire culturel correspond, pour nous, à l’ensemble des représentations propres à une culture (...)

1La mondialisation, écrit Christian Chelebourg, gomme les frontières et provoque dans les fictions de jeunesse des pays développés une « synthèse des imaginaires1 ». Cette littérature s’internationalise non seulement à travers ses traductions et la prolifération de thèmes universels, mais aussi à travers les mouvements de la population – migration, exil, déplacement, voyage, colonisation, décolonisation. Il va sans dire que tout imaginaire2présenté aux jeunes lecteurs de ces pays s’en trouve affecté. Nathalie Prince le mentionne, la nature même de la littérature de jeunesse (et sans doute plus particulièrement celle de l’album de jeunesse) se prête à cette synthèse des imaginaires :

        3 Nathalie Prince, La littérature de jeunesse : pour une théorie littéraire, Paris, Armand Colin, 201 (...)

    En raison de la spécificité même de cette littérature, éventuellement peu textuelle, très picturale, son champ éditorial peut aisément passer d’un champ culturel à un autre, d’une langue à une autre. Et très tôt, par conséquent, la littérature de jeunesse, et avec elle ses personnages et ses histoires, est devenue transculturelle3.

    4 Dans son ouvrage Lire l’album, Sophie Van der Linden introduit l’idée que l’album contemporain se c (...)

    5 L’autre code relevant du message visuel est le code plastique. Le Groupe µ a fait valoir que le sig (...)

2Mais lorsque le Japon est mis en représentation dans les albums pour la jeunesse, retrouvons-nous cette synthèse des imaginaires ? Ou s’agit-il davantage de représentations de l’Autre insistant sur sa différence ? Et, de quel imaginaire culturel s’agit-il ? Dans cet article, nous proposons donc de voir comment le code iconique4 participe à la création de l’imaginaire. Et puisque le code iconique passe par une organisation d’éléments plastiques5 prenant les caractéristiques d’un référent, mais actualisant une vision antérieure (en mémoire), il s’agit aussi pour nous d’explorer le rapport entretenu entre iconicité et idéologie dans les représentations de l’Autre.

    6 Comme Pascal Durand, nous considérons le stéréotype dans son appartenance au discours social, mais (...)

3L’idéologie étant un système dynamique d’idées préconçues – incluant entre autres stéréotypes, lieux communs et clichés d’un groupe déterminé à une époque donnée – nous examinerons si ces représentations cultivent les lieux communs de l’imaginaire et les stéréotypes culturels. Dans notre réflexion, comme Pascal Durand6, nous considérons le stéréotype dans son appartenance au discours social, mais aussi à l’idéologie d’une collectivité déterminée. Ruth Amossy l’indique aussi :

        7 Ruth Amossy, « La notion de stéréotype dans la réflexion contemporaine », Littérature Mutations d’i (...)

    Quelle qu’en soit la définition exacte, le terme de stéréotype surgit généralement dans les études littéraires au point précis où le rhétorique s’articule sur l’idéologique. Il se trouve alors au centre d’une constellation qui relie l’idée reçue, la Doxa ou l’énoncé doxique, le lieu commun au sens moderne du terme et l’idéologie7.

4Nous proposons ainsi d’orienter notre analyse de manière à identifier les principaux marqueurs culturels en jeu dans la construction de l’imaginaire japonais de deux albums à l’étude. Ceci afin de participer à la réflexion plus large sur la façon dont les stéréotypes peuvent investir le code iconique dans l’album et sur leurs implications culturelles. Il sera alors possible pour nous de souligner certains aspects iconiques privilégiés par les créateurs d’albums dans la construction des représentations du Japon.

    8 Dominique Vochelle et Chiaki Miyamoto, Le petit monde de Miki, Paris, Gallimard Jeunesse, 2005.

    9 Annelore Parot, Aoki, Toulouse, Milan Jeunesse, 2010.

5Nous avons choisi, pour illustrer nos propos, deux albums, publiés en France et visant un lectorat de 3 à 7 ans : Le petit monde de Miki8 de Dominique Vochelle, avec illustrations de Chiyaki Miyamoto et Aoki9 d’Annelore Parot. Si nous avons choisi de nous arrêter sur ces deux albums, c’est que le caractère fictif des ouvrages promet une plus grande flexibilité dans la construction d’un imaginaire et jusqu’à un certain point libère l’auteur et l’illustrateur de contraintes documentaires. Le choix de notre corpus repose aussi sur notre désir d’analyser deux ouvrages où l’iconicité se pose aux extrémités de l’éventail des différentes représentations du Japon offertes au jeune lecteur français dans les albums pour la jeunesse. En effet, l’un, Le petit monde de Miki, est un ouvrage fort simple où il y a économie et simplicité dans l’image, alors que l’autre, Aoki, pousse à l’extrême le stimulus visuel tant dans le choix des couleurs que dans l’abondance d’éléments iconiques offrant, tous deux, une expérience de lecture bien particulière.

Le cadre socioculturel de publication

    10 François Caron, Le puissant royaume du Japon, Paris, Chandeigne, 2003, première publication en 1636 (...)

    11 Comme c’est le cas pour plusieurs peintres de cette époque, Monet, Lautrec et Gauguin pour n’en nom (...)

    12 « Some have compared the new brush technique of Japanese painters to the short sentences, broken st (...)

6Pourquoi se pencher sur des ouvrages mettant en représentation le Japon ? Ceux-ci ne sont pas forcément très nombreux dans la littérature de jeunesse actuelle, mais les spécificités des relations France-Japon en dehors du prisme colonial rendent notre corpus d’étude pertinent dans les discussions sur les représentations de l’Autre. Rappelons-le : l’engouement français pour le Japon remonte en fait au début du xviie siècle. On peut penser entre autres aux textes de François Caron réunis sous un même titre, Le puissant royaume du Japon10, et distribués en France dès 1636. Si, au début, les orientalistes se sont principalement intéressés aux cultures arabes puis chinoises, la culture japonaise a, elle aussi, percé les mœurs de la culture française. Suite aux expositions universelles de Londres en 1862 et de Paris en 1867, l’art japonais a gagné en popularité. Le « japonisme », terme introduit par Philippe Burty en 1872, vient qualifier cette influence qui se fait alors ressentir principalement dans les Beaux-Arts11. Au contact des arts visuels, une fascination nouvelle fait aussi son entrée en littérature. S’il ne s’agit pas ici de « reproduire » les thèmes de la littérature nippone, avec le japonisme, on tente de rompre un certain classicisme en favorisant une nouvelle esthétique reprenant et adaptant à l’écrit les éléments caractéristiques de l’estampe. En fait, selon Hartman, le lexique, les comparaisons, les constructions syntaxiques et les thèmes, entretiennent tous une relation avec l’art japonais12.

    13 Sur le plan politico-culturel, on lui doit, entre autres, l’établissement de la Maison franco-japon (...)

    14 Au cours de son mandat, le président français fera cinq visites officielles à ses homologues politi (...)

7L’intérêt français pour le Japon ne s’est pas limité au japonisme et s’est institutionnalisé au xxe siècle avec l’établissement de liens culturels durables. En 1921, le poète Paul Claudel est nommé ambassadeur français au Japon. Claudel sera largement influencé par son séjour dans ce pays et son œuvre en sera marquée13. Avec l’arrivée de Jacques Chirac au pouvoir en 1995, les relations sociopolitiques et socioculturelles franco-japonaises prennent un nouveau tournant14 ; les échanges culturels entre la jeunesse française et japonaise ont ainsi été encouragés tant dans les domaines publics que privés. Si au départ le japonisme fut instillé par une curiosité artistique et esthétique, les efforts institutionnels, depuis, ont concrétisé et formalisé un échange culturel bidirectionnel entre les deux nations.

8Il va sans dire qu’au début du xxie siècle, la France et le Japon entretiennent toujours des liens privilégiés, tant sur le plan politique que culturel. En 2008, plus de 750 évènements en France viennent marquer le 150e anniversaire des relations franco-japonaises. À l’occasion, plusieurs colloques, expositions et salons ont eu lieu, couvrant des sujets aussi divers que la politique, l’art et l’océanographie. En mars 2012, pour la deuxième fois depuis 1997, la littérature japonaise était l’invitée d’honneur au Salon du livre de Paris. À cette occasion, plus de vingt-deux auteurs japonais se sont déplacés afin de promouvoir cette littérature. Parmi les auteurs invités, on retrouvait Kenzaburô Oé, lauréat du Prix Nobel de littérature en 1994. À cette occasion, Maxime Rovere, journaliste, dénotait la fascination française pour les textes japonais :

        15 Maxime Rovere, « Le Japon, une passion française », Marianne [En ligne], 18 mars 2012 [http://www.m (...)

    En 2010, les éditeurs français ont acheté les droits de 329 titres japonais, ce qui fait d’eux les livres étrangers les plus nombreux sur le marché après ceux traduits de l’anglais (d’après le rapport établi par Pierre Assouline dans « La Condition du traducteur », 2011). Selon Livres Hebdo, journal de la profession, 8,3 % des traductions effectuées en France viennent du pays du Soleil-Levant15.

    16 En date du 9 janvier 2016.

    17 Mentionnons aussi les Éditions HongFei Culture, créées en 2007, qui proposent comme ligne éditorial (...)

9Les relations entre les deux pays donnent aussi lieu à un échange littéraire d’envergure. Dans le secteur de l’édition jeunesse, plusieurs maisons d’édition majeures en France publient, chaque année, quelques romans, bandes dessinées ou albums mettant en scène le Japon (d’auteurs français, mais également d’auteurs japonais en traduction). On retrouve aussi des maisons d’édition se spécialisant dans la publication d’ouvrages d’Asie. Les Éditions Philippe Picquier, créées en 1986, proposent un catalogue couvrant plusieurs champs littéraires, de la littérature de jeunesse à la littérature pour adultes, exclusivement constitué d’œuvres concernant la Chine, le Japon, l’Inde et plus récemment d’autres pays de l’Asie du Sud-Est. De son côté, nobi nobi ! – fondée le 18 mars 2010 par Pierre-Alain Dufour, un des responsables de la Japan Expo, et par Olivier Pacciani – est une autre maison d’édition dédiée strictement à la littérature de jeunesse spécialisée sur le Japon, et propose 82 titres16 dans trois collections. Il y a donc, en France, les assises nécessaires à une production stable d’ouvrages où l’Asie est mise en représentation17. Ceci assure à la fois une plus grande visibilité de ces œuvres – regroupées sous une même maison d’édition où la thématique assure une grande cohérence du catalogue –, mais aussi une voie éditoriale et de ce fait, une voix commerciale – toutes deux facilitant la création et la dissémination de ces ouvrages.

Les lieux communs de l’imaginaire : les 5F

    18 En anglais, les 5F représentent les catégories des représentations ethniques et culturelles stéréot (...)

    19 James A. Banks, An Introduction to Multicultural Education, Needham Heights, Allyn and Bacon, 1994.

    20 Enid Lee, Deborah Menkart and Margo Okazawa-Rey, Beyond Heroes and Holidays, Washington, Network of (...)

10Il y a, dans les théories issues de l’éducation multiculturelle aux États-Unis et au Canada, la question des représentations se rattachant aux 5F (Festival, Food, Folklore, Fashion, et Famous people or Flag)18. James Banks19, Enid Lee, Deborah Menkart et Margo Okazawa-Rey20ont tous souligné le besoin, dans la salle de classe, de transcender l’ethnocentrisme du curriculum scolaire nord-américain actuel (qui se contente souvent dans les représentations de l’Autre d’user de stéréotypes se limitant aux 5F) afin d’y inclure les expériences et points de vue de groupes marginalisés.

    21 « Highlighting the exotic features that are often more recognizable through cultural tradition has (...)

11En littérature, ces réflexions sur la représentation de l’Autre ont déjà servi de cadre d’analyse dans la thèse doctorale de Yoo Kyung Sung. Dans sa thèse, elle souligne entre autres qu’à l’image du curriculum scolaire, la littérature de jeunesse américaine propose des représentations culturelles se limitant souvent à ces catégories (5F) et que l’exotisme de la culture dite traditionnelle qui prime dans les représentations de l’Autre participe à la création d’un horizon d’attente du lecteur qui n’est pas compatible avec la vie contemporaine américaine21. Il y a donc, selon elle, un décalage entre les représentations « traditionnelles » et la réalité de l’expérience contemporaine de l’Autre.

12Bien qu’issue des études en éducation, Yoo Kyung Sung l’a démontré, cette approche s’applique particulièrement bien à l’analyse de l’album pour la jeunesse où l’Autre est mis en représentation. Prenant comme point de départ les 5F, il sera intéressant de voir dans quelle mesure ces catégories sont présentes dans les ouvrages de notre corpus. Puis, leur analyse nous permettra de voir le rôle de ces représentations stéréotypées ainsi que leur apport idéologique dans l’élaboration d’un imaginaire culturel du Japon en France.

L’imaginaire japonais dans Le petit monde de Miki

    22 Soulignons qu’à l’origine, et en Chine et au Japon, les estampes produites étaient celles des texte (...)

13Le petit monde de Miki est un album de petit format (21,5 × 21,5) à la couverture souple pour les enfants de 3 à 6 ans. Née au Japon, à Osaka, Miyamoto s’installe en France en 2000 et commence à illustrer des albums pour la jeunesse dès 2003. Dans cet album, les images – des estampes, encadrées – occupent la belle page alors que le texte se trouve sur la page de gauche. La narration est hétérodiégétique et le texte prend la forme de courts poèmes sur le thème de la nature en incorporant des éléments du folklore et de la culture nippons. La « vie japonaise » n’est pas expliquée au jeune lecteur. Ce dernier est plutôt invité à voyager avec Miki dans un imaginaire merveilleux japonais empreint des principes du bouddhisme et du shinto22.

14Dans cet album, les 5F sont omniprésents. Miki porte un yukata [kimono de coton] rouge, tandis que le lapin danse habillé d’un happi [manteau au blason distinctif], chaussé de geta [sandales traditionnelles japonaises] et coiffé d’un hachimaki [bandeau]. La nourriture est représentée plus subtilement à travers la présence du thé évoquant la forte signification culturelle de la « cérémonie de thé japonaise ». Il n’y a pas à proprement parler de personnage célèbre, mais le statut iconique du mont Fuji l’inscrit quelque peu sous cette rubrique. Puis s’y trouve toute une myriade d’éléments iconiques symboliques de la société japonaise et de son folklore, tels les fleurs de cerisier, les lanternes des temples, le lotus, le pont. Bien que non restreints à la société japonaise, tous ces éléments se démarquent, dans l’album, par leur coloris rouge. Le rouge vient ici accentuer ces éléments culturels iconiques et acquiert un symbolisme particulier (le Japon, l’Asie de l’Est), participant à la construction d’un horizon d’attente du jeune lecteur français. Ce n’est pas tant que cette couleur soit exclusive à la culture japonaise, mais plutôt que sa récurrence vient fossiliser, dans cet album, le lien à cette culture.

    23 Dominique Vochelle, Le petit monde de Miki, op. cit., 3e double-page.

15Bien souvent, ces représentations sont strictement iconiques et ne jouissent pas d’un ancrage dans le texte : ils viennent plutôt complémenter le texte. Ainsi, à la troisième double-page, Miki est assise au sommet du mont Fuji et prend le thé avec un oni [petit démon] ; le texte est le suivant : « L’enfant de l’orage joue du tambourin. Miki sourit. Un éclair sur le mont Fuji. L’orage est passé. Miki dit qu’elle a la tête dans les nuages23 ». Qui est l’enfant de l’orage ? Le petit homme rouge qui boit du thé et qui ne joue donc pas du tambourin ? Le jeune lecteur occidental n’a sans doute pas les connaissances pour reconnaître, dans le personnage rouge, la représentation d’un petit démon du folklore nippon. Le texte ne donne pas d’information pour le lecteur et n’explique pas ces référents culturels. Tout au plus, la curiosité du lecteur ou de l’adulte qui accompagnera la lecture sera éveillée et celui-ci sera possiblement porté, en dehors de l’ouvrage, à approfondir ses connaissances.

    24 Dominique Vochelle, Le petit monde de Miki, op. cit., 8e double-page.

    25 Tsuki no usagi est un conte faisant partie de l’anthologie japonaise Konjaku Monogatarishu (今昔物語集). (...)

    26 Eliot Nine, « Pourquoi y a-t-il un lapin sur la Lune ? », Japon infos, 2014, [En ligne] [http://www (...)

16La représentation d’un festival shinto – et l’insertion d’une légende folklorique – est ici aussi sans ancrage textuel. Dans la 8e double-page, un lapin en accoutrement de matsuri [festival shinto] danse sous des lanternes alors qu’en contrebas, Miki le regarde d’un air amusé. Le texte se lit comme suit : « Au Japon, on dit que les taches de la lune ont la forme d’un lapin. Chaque année, les lapins dansent à la fin de l’été. Miki dit qu’on danse aussi sur la lune24 ». Bien que ce texte soit un peu plus explicatif, il n’y a pas de mention d’un festival, rien pour expliquer l’accoutrement du lapin ou mentionnant le motif traditionnel (seigaiha [vague bleue de l’océan]) du happi [manteau traditionnel japonais]. Et si le texte signale qu’au Japon, on associe les taches de la lune au lapin, aucune information n’est donnée quant à l’origine de cette corrélation. Seulement, au Japon, la légende de Tsuki no usagi25 [Le lapin lunaire26] est un récit fondateur. De nos jours, les jeunes Japonais connaissent une version quelque peu différente de cette légende où le lapin sur la lune travaille à confectionner des dango [boulettes de riz gluant]. Conséquemment, le festival pour regarder la lune s’appelle le Tsukimi et à cette occasion des dango sont mangés.

17Le riche cadre socioculturel du récit échappera sans doute au jeune lecteur français n’ayant pas les connaissances encyclopédiques pour le dépister. Malgré la forte influence de l’imaginaire japonais sur le code iconique de cet album, l’apport est alors plus poétique que didactique. Toutefois, la difficulté pour le jeune lecteur d’identifier les référents culturels n’est pas en soi une faiblesse de cet album. Au contraire, il s’agit davantage d’un effet recherché par l’auteur et l’illustrateur. Le référent culturel n’est pas là pour instruire, mais fait plutôt partie de l’univers poétique que découvre le jeune lecteur. Le petit démon rouge buvant du thé et le lapin dansant au festival amalgament culture et folklore japonais dans un imaginaire merveilleux que le jeune lecteur peut découvrir et apprécier à son propre rythme. Le passage obligé par l’exotisme ne doit pas être considéré ici comme négatif. Il y a chez certains chercheurs, comme l’explique Nathalie Schon, une conception constructive de l’exotisme :

        27 Nathalie Schon, L’auto-exotisme dans les littératures des Antilles françaises, Paris, Karthala, 200 (...)

    À la suite de Victor Segalen, ces dernières [Maryse Condé et Gisèle Pineau] considèrent le regard distant dans la relation exotique comme un espace autorisant l’imagination à se déployer. Ainsi l’exotisme n’est rejeté que dans un premier temps, pour être finalement intégré dans une conception de la diversité culturelle, affirmation non pas de l’incompréhensible, de l’opacité voulue par Édouard Glissant, mais du choix de ne pas comprendre27.

18En fin d’album, le jeune lecteur dont la curiosité sera piquée pourra élargir ses connaissances en s’adonnant à la calligraphie japonaise. À cet effet, l’ouvrage propose une double-page avec quadrillage et exemples pour pratiquer l’écriture de divers kanji [système d’écriture japonais]. Mais ce prolongement pédagogique ne vient en rien perturber l’essence du récit puisqu’elle fait partie des éléments paratextuels.

L’imaginaire japonais dans Aoki

    28 Marco Pellitteri, The Dragon and the Dazzle. Models, Strategies, and Identities of Japanese Imagina (...)

    29 Annelore Parot, Aoki, op. cit., 10e double-page.

    30 Le site web créé en 2010, n’héberge plus le club depuis mars 2016. Dorénavant, l’internaute est red (...)

    31 À l’occasion de la Fête des lumières de Lyon en 2012, Annelore Parot a participé à la construction (...)

19Aoki est un album de format carré moyen (22×22) s’adressant à un public de 3 à 7 ans. Dans cet album d’une esthétique tout à fait différente de celle du Petit monde de Miki, l’image, entièrement numérique, se voit saturée d’éléments iconiques, dans un collage d’effets de textures et de motifs remplissants. Les couleurs y sont vives, le papier, épais et brillant. Les personnages sont de style chibi, avec des têtes disproportionnées et des traits enfantins, alors que l’album lui-même assure une certaine rondeur grâce à sa couverture capitonnée. Le livre-objet, sa plasticité et son iconicité, tout adhère à l’esthétique du kawaii : image colorée, mignonne, innocente et où les formes rondes et douces ainsi que les couleurs pastel et l’apparence juvénile esthétisent tout autant les objets du quotidien que les personnages28. Si cette esthétique est souvent associée au shôjo bunka [la culture des filles] et au manga, son caractère iconique sympathique est aussi utilisé au Japon dans les publications gouvernementales, des banques, des compagnies d’aviation, etc. Au-delà de la plasticité de l’album, le kawaii n’est pas qu’un attribut esthétique, mais investit explicitement la thématique de l’album puisque dans le récit, Aoki, la petite poupée japonaise, demandera à son arrivée à Tokyo à « voir quelque chose de kawaii29 ». Il y a par ailleurs, dans Aoki, une surabondance de détails iconiques évoquant les livres-jeux. Dès le début du récit, le jeune lecteur est invité par le personnage éponyme, à sélectionner (visuellement) les habits à mettre dans la valise. Plus loin dans le récit, le jeune lecteur est encouragé, encore une fois par un personnage de l’histoire, à identifier la maison de la kokeshi en associant le motif de remplissage du kimono avec celui identique des rideaux. Le format aussi contribue à l’exubérance visuelle de l’ouvrage : celui-ci, constitué entièrement de doubles-pages à fond perdu, prend de l’expansion plus d’une fois, à l’aide de volets à soulever, alors que s’allonge par exemple le shinkansen [train à haute vitesse] ou que s’ouvrent les sacs à lunch. Notons que ce livre fait partie d’une véritable franchise avec collection, site web30, club, papeterie, bento, installation luminaire31, livre d’activité et magazine Julie Kokeshi publié trois fois par année (dernière parution en décembre 2014). Le lecteur est donc invité à s’immerger dans le monde des kokeshi en participant à certaines traditions de l’Asie de l’Est comme l’origami, ou en approfondissant sa connaissance sur le Japon.

    32 Marc Boutavant, Le tour du monde de Mouk, Paris, Albin Michel Jeunesse, 2007.

    33 Davide Cali et Chiaki Miyamoto, Le perroquet de l’empereur, Vanves, nobi nobi !, 2014.

    34 Cet atlas est aussi un album-jeu de style « cherche et trouve » en plus d’offrir aux lecteurs des g (...)

20Parot n’est pas la seule à représenter le Japon : Le tour du monde de Mouk32 (2007) (atlas illustré) de l’auteur illustrateur Marc Boutavant et Le perroquet de l’empereur33 (2014) (album) illustré par Chiaki Miyamoto proposent par exemple des doubles-pages chargées d’éléments iconiques typiquement japonais. Dans Le perroquet de l’empereur, l’abondance de référents culturels – passant par le clin d’œil obligé à La grande vague de Kanagawa de Hokusai –, dans un agencement coloré que le jeune lecteur pourra découvrir indépendamment du récit textuel, évoque une certaine esthétique enfantine. Et tout comme dans Aoki, le récit n’est prétexte qu’à faire découvrir la culture japonaise à travers des rubriques éducatives et des insertions linguistiques où des termes japonais sont expliqués au jeune lecteur. Le tour du monde de Mouk est quant à lui un atlas illustré et un album-jeu34 où chaque double-page incite le lecteur à découvrir un pays et une culture distincts. Cet album propose une double-page sur le thème du Japon qui se caractérise par une mise en page chargée de référents culturels colorés et attrayants dans laquelle sont insérés rubriques éducatives et mots japonais. Dans ces deux ouvrages, Le tour du monde de Mouk et Le perroquet de l’empereur, le jeune lecteur est amené à découvrir le Japon à travers un éventail graphique de référents culturels. Malgré les similarités entre ces trois albums, si nous avons choisi de porter notre réflexion sur Aoki, c’est qu’il présente selon nous un cas intéressant où le Japon est mis en représentation à travers certes une iconicité japonaise, mais aussi, à travers une esthétique populaire nipponne : le kawaii.

21Ainsi, dans Aoki d’Annelore Parot, l’image, qui correspond à l’esthétique du kawaii (esthétique japonaise du « mignon »), se compose souvent d’une accumulation de représentations iconiques où la nourriture ainsi que les petits objets familiers passent au premier plan. Tout comme dans Le petit monde de Miki, les 5F participent à l’établissement d’un imaginaire nippon. On y voit notamment une double-page présentant un restaurant de sushis et un magasin de babioles, suivie d’une autre montrant l’intérieur de ce magasin où bonbons, boîtes bento et divers petits objets se retrouvent sur les étagères. Plus loin dans l’ouvrage, une autre double-page présentant les deux boîtes à dîner des fillettes comprenant sushis, thé vert, maki et fruits. L’exubérance des couleurs, la page chargée et la grande quantité d’éléments iconiques prennent quelque peu les allures d’un cabinet de curiosités où le Japon se trouve étalé devant le lecteur.

22Si une attention particulière est portée sur le monde matériel de la culture japonaise, l’album se préoccupe tout autant de représenter la culture japonaise oscillant entre la modernité et la tradition à travers un graphisme minutieux s’accrochant aux détails visuels.

Agrandir Original (jpeg, 70k)

Cosplayers et sakura dans Annelore Parot, Aoki, Toulouse, Milan Jeunesse, 2010, © Annelore Parot et Milan.

23Ainsi la page présentant des cosplayers [costumadiers, personne s’habillant afin de ressembler à un personnage] dans un parc aux sakura [fleurs de cerisier] en fleur, est suivie par la visite des kokeshi [poupée de bois] dans un jardin sec incorporant roches, sable et petits cailloux dans un agencement simple et abstrait. Mais le folklore n’est pas tout à fait omis : il est relégué au second plan et intégré dans le décor à travers l’insertion sur une tablette d’objets divers, comme un daruma [figurine de papier mâché servant à faire un vœu] ou un maneki neko [figurine porte-bonheur en forme de chat]. Dans le récit textuel, Aoki sera aussi amenée à participer à un hanami [grand pique-nique pour regarder les fleurs de cerisiers] : la coutume japonaise célébrant l’arrivée du printemps.

24Lorsqu’il est question des vêtements, l’exubérance apparaît dans la myriade de motifs de remplissage des yukata et kimono. Mais au-delà de cette représentation culturelle d’un habit, ce qui attire notre attention est la dichotomie entre le vêtement féminin et enfantin principalement traditionnel (kimono et yukata) et le vêtement masculin principalement moderne (complet, uniforme de travail). Une dichotomie entre tradition et modernité qui en fait se retrouve tout au long de l’album.

25Si l’exotisme est central dans cet album, le Japon, tout comme dans Le petit monde de Miki, n’y est toujours pas pour autant expliqué. Dans son ouvrage, Annelore Parot créé un imaginaire rappelant les rues bondées d’Harajuku où le kawaii, la jeunesse et les babioles colorées sont déployés sous le regard du jeune lecteur. Mais derrière cette esthétique frivole, l’imaginaire japonais qui s’en dégage est celui d’une culture matérialiste elle-même prise entre le traditionnel et le moderne. Selon Michael Lucken, cette tendance à représenter le Japon à travers ce rapport dichotomique tradition/modernité serait une construction occidentale tentant d’imposer un caractère réducteur à la société japonaise contemporaine :

        35 Michael Lucken, Japon l’archipel du sens, Paris, Perrin, 2016, p. 15.

    On lit souvent que le Japon se caractérise par une tension forte « entre tradition et modernité », ce que les guides touristiques illustrent en plaçant, d’un côté, la photo d’un jardin sec, et de l’autre, celle d’une avenue bordée d’immeubles en verre illuminés par des panneaux publicitaires. Mais cette modernité, à laquelle on associe soit les néons des grands magasins, soit les produits de haute technologie repris de l’Occident, est superficielle, clinquante et sans attache. Elle se réduit à la fascination des insectes pour les lumières du soir, ou à l’industrie maligne et besogneuse. Dans cette ultra-modernité résonne de façon sourde et pernicieuse l’idée inverse, c’est-à-dire que la civilisation dans cette partie du monde est fourmillante, imitative et fermée à la nouveauté vraie35.

    36 Frédéric Marais, Yasuke, Montreuil, Les fourmis rouges, 2015.

    37 Patrick Charaudeau, « Les stéréotypes, c’est bien. Les imaginaires, c’est mieux », op. cit., (consu (...)

    38 Sophie Van den Broeck, « Un imaginaire normé ? La question du détournement dans l’album jeunesse », (...)

26L’imaginaire japonais dans Aoki supporte certes l’argument de Lucken, mais illustre aussi le besoin d’avoir recours aux lieux communs déjà établis dans la société française afin de répondre aux attentes du jeune lecteur. C’est d’ailleurs sur ce point que l’iconicité de l’album d’Aoki diffère de celle du Petit monde de Miki. La dichotomie dans les référents iconiques s’établit tel un lieu commun de l’imaginaire japonais en France. On retrouve cette même dichotomie dans l’album Yasuke36 de Frédéric Marais, mais cette fois au niveau de l’esthétique choisie dans l’illustration du récit. En effet, dans cet album, le graphisme numérique de l’image s’oppose au caractère traditionnel du récit prenant place dans un Japon du xvie siècle. L’imaginaire nippon ainsi créé évoque encore une fois cette tension relevée par Lucken. Pourtant, Patrick Charaudau le souligne : « L’imaginaire n’est ni vrai ni faux. Il est une proposition de vision du monde qui s’appuie sur des savoirs qui construisent des systèmes de pensée, lesquels peuvent s’exclure ou se superposer les uns les autres37 ». En effet, il importe que l’imaginaire proposé aux jeunes enfants lecteurs corresponde à l’image que la société française, en général, entretient. C’est que, dans l’album de jeunesse, les stéréotypes qui en découlent peuvent s’avérer cruciaux en situation de lecture, puisqu’ils sont, selon Sophie Van den Broeck, « les premières structures nécessaires à la compréhension, celles qui permettent de développer les hypothèses sémantiques élémentaires38 ». Néanmoins, lorsque l’exotisme est prédominant dans la culture représentée, l’idéologie demeure principalement ethnocentrique. C’est-à-dire que l’imaginaire japonais présenté au jeune lecteur français actualise une vision occidentale en imposant des idées reçues, mais non fondées, telle la tension entre modernité et tradition dans Aoki.

27Au sein de leurs illustrations, Chiyaki et Parot n’hésitent pas à nourrir les lieux communs de l’imaginaire nippon à travers la présence iconique des 5F. L’orientalisation de l’image se codifie à travers l’usage répété de référents culturels stéréotypés. Malgré les différents cadres socioculturels, ce phénomène qui a déjà été relevé dans la littérature de jeunesse américaine est donc transnational. Même si les États-Unis et la France entretiennent des liens culturels différents avec le Japon, dans les deux sociétés, lorsque le jeune lecteur est ciblé, les représentations de l’Autre s’en remettent à une simplification thématique où la culture de l’Autre est exprimée à travers des catégories prévisibles.

    39 Jean-François Staszak, « Qu’est-ce que l’exotisme ? » Le Globe [En ligne], Genève, 2008 (consulté e (...)

28Par ailleurs, ce recours constant aux référents culturels, pouvant être regroupé sous les catégories des 5F, participe à l’exotisation du récit. Il y a bien une volonté pédagogique à l’aide d’exercices calligraphiques (Le petit monde de Miki) ou de rubriques bilingues françaises/japonaises (Aoki), mais l’exotisme des représentations demeure central. L’exotisme vient y renforcer les stéréotypes de l’imaginaire japonais français, qu’ils soient réels ou non. Staszak explique que « l’exotisme ne remet jamais en cause l’identité. Au contraire, il tient au spectacle rassurant d’une altérité repérée, conforme à l’idée et plus précisément à l’image qu’on s’en faisait39 ». L’exotisme se doit donc de répondre à une attente (socioculturelle de la société française), tout en nourrissant l’étrangeté de la culture japonaise jusqu’à ce qu’il y ait une fossilisation culturelle.

29En définitive, les deux ouvrages, bien que proposant des référents iconiques normés (5F), proposent aux jeunes lecteurs français une expérience visuelle du Japon distincte. Si l’exotisme propose une « altérité repérée », où les lieux communs de l’imaginaire de l’Autre dominent, les deux ouvrages de notre corpus démontrent qu’il est possible de transcender la fossilisation culturelle et de générer un deuxième niveau de lecture beaucoup plus profond, dans lequel l’album véhicule des valeurs intrinsèques de la société représentée, mais aussi de la société française. Si le jeune lecteur de l’album Le petit monde de Miki n’est pas en mesure de reconnaître les multiples références interculturelles aux folklores et à l’imagerie bouddhiste et shinto, il a tout au moins accès à une représentation du Japon qui se concrétise par la découverte d’un univers merveilleux simple et poétique lors de l’expérience de lecture. De son côté, l’iconicité de l’album Aoki s’inscrit directement dans une perspective figée que la France a du Japon et perpétue certes une conception eurocentrique. Néanmoins, cet ouvrage s’efforce de dépasser le stade de l’exotisme en normalisant une esthétique nippone du kawaii chez le jeune lecteur français et en l’invitant à découvrir – et à consommer – davantage cette culture de l’Asie de l’Est à l’aide de supports externes, produits dérivés de l’ouvrage de Parot.

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Bibliographie

Œuvres de littérature de jeunesse

Marc Boutavant, Le tour du monde de Mouk, Paris, Albin Michel Jeunesse, 2007.

Davide Cali et Chiaki Miyamoto, Le perroquet de l’empereur, Vanves, nobi nobi !, 2014.

Frédéric Marais, Yasuke, Montreuil, Les fourmis rouges, 2015.

Annelore Parot, Aoki, Toulouse, Milan Jeunesse, 2010.

Dominique Vochelle et Chiaki Miyamoto, Le petit monde de Miki, Paris, Gallimard Jeunesse, 2005.

Références critiques

Ruth Amossy, « La notion de stéréotype dans la réflexion contemporaine », Littérature Mutations d’images, n° 73, 1989.

James A. Banks, An Introduction to Multicultural Education, Needham Heights, Allyn and Bacon, 1994.

François Caron, Le puissant royaume du Japon, Paris, Chandeigne, 2003, première publication en 1636.

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Christian Chelebourg, Les fictions de jeunesse, Paris, Presses Universitaires de France, 2013.

Pascal Durand, « Lieu commun, cliché, stéréotype. Généalogie des formations figées », dans : Lucien Sfez (dir.), Conférences de l’école doctorale de science politique (2001-2003), Paris, Publications de la Sorbonne, 2004.

Enid Lee, Deborah Menkart et Margo Okazawa-Rey, Beyond Heroes and Holidays, Washington, Network of Educators on the Americas, 1998.

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Eliot Nine, « Pourquoi y a-t-il un lapin sur la Lune ? », Japoninfos, 2014, [En ligne] [http://www.japoninfos.com/pourquoi-y-a-t-il-un-lapin-sur-la-lune-19012014.html] (consulté le 3 aout 2016).

Marco Pellitteri, The Dragon and the Dazzle. Models, Strategies, and Identities of Japanese Imagination, a European Perspective, Latina, Tunué, 2010.

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Yoo Kyung Sung, A Postcolonial Critique of the (Mis)Representation of Koreans-Americans in Children’s Picture Books, PhD, University of Arizona, 2009.

Sophie Van den Broeck, « Un imaginaire normé ? La question du détournement dans l’album jeunesse », Figura 19, 1, 2008 (consulté en ligne le 8 décembre 2014) [http://oic.uqam.ca/fr/articles/un-imaginaire-norme-la-question-du-detournement-dans-lalbum-de-jeunesse].

Sophie Van der Linden, Lire l’album, Le Puy-En-Velay, L’atelier du poisson soluble, 2006.

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Notes

1 Christian Chelebourg, Les fictions de jeunesse, Paris, Presses Universitaires de France, 2013, p. 200.

2 L’imaginaire culturel correspond, pour nous, à l’ensemble des représentations propres à une culture générant des significations – en dehors de la réalité – communes à une société. Et selon Patrick Charaudeau, l’imaginaire est aussi : « un mode d’appréhension du monde qui naît dans la mécanique des représentations sociales, laquelle, […] construit de la signification sur les objets du monde, les phénomènes qui s’y produisent, les êtres humains et leurs comportements, transformant la réalité en réel signifiant. Il résulte d’un processus de symbolisation du monde d’ordre affectivo-rationnel à travers l’intersubjectivité des relations humaines, et se dépose dans la mémoire collective ». Patrick Charaudeau, « Les stéréotypes, c’est bien. Les imaginaires, c’est mieux », dans : Henri Boyer (dir.), Stéréotypage, stéréotypes : fonctionnements ordinaires et mises en scène, Paris, L’Harmattan, 2007, [en ligne sur le site de Patrick Charaudeau, http://www.patrick-charaudeau.com/Les-stereotypes-c-est-bien-Les.html] (consulté le 22 février 2018).

3 Nathalie Prince, La littérature de jeunesse : pour une théorie littéraire, Paris, Armand Colin, 2010, p. 27.

4 Dans son ouvrage Lire l’album, Sophie Van der Linden introduit l’idée que l’album contemporain se construit à travers quatre codes, soit les codes littéraire, linguistique, iconique et plastique. À ces codes, nous en ajoutons un cinquième, le code socioculturel (Sophie Van der Linden, Lire l’album, Le Puy-En-Velay, L’atelier du poisson soluble, 2006).

5 L’autre code relevant du message visuel est le code plastique. Le Groupe µ a fait valoir que le signe plastique peut signifier « sur le mode de l’indice et du symbole » et que le signe iconique « a un signifiant dont les caractéristiques spatiales sont commensurables avec celles du référent » (Groupe µ, Traité du signe visuel, Paris, Seuil, 1992, p. 123). Ceci diffère de la conception habituelle du code plastique comme étant celui de l’expression (la matérialité de la représentation à travers des aspects formels) et du code iconique comme étant celui du contenu (représentation). Comme le Groupe µ nous considérons que les codes iconique et plastique ont tous deux un plan de l’expression et un plan du contenu. Dès lors, les aspects formels ne se limitent pas à être l’expression plastique d’un signe, mais peuvent aussi en être la représentation : expression + contenu.

6 Comme Pascal Durand, nous considérons le stéréotype dans son appartenance au discours social, mais aussi à l’idéologie d’une collectivité déterminée : « Rhétorique du constat, universalisme abstrait, dimension doxique : ces trois propriétés sont grosso modo définitoires de ce que la théorie du discours et la psychosociologie de la communication rassemblent sous l’appellation générale de “stéréotypes” ou encore de “lieu commun”, soit l’ensemble des faits d’expression ou de pensée qui dans la parole individuelle témoignent d’une soumission à l’opinion dominante ou, à tout le moins, de la socialité dont cette parole individuelle est imprégnée, serait-ce même à l’insu du locuteur ». Pascal Durand, « Lieu commun, cliché, stéréotype. Généalogie des formations figées », dans : Lucien Sfez (dir.), Conférences de l’école doctorale de science politique (2001-2003), Paris, Publications de la Sorbonne, 2004, p. 36.

7 Ruth Amossy, « La notion de stéréotype dans la réflexion contemporaine », Littérature Mutations d’images, n° 73, 1989, p. 36.

8 Dominique Vochelle et Chiaki Miyamoto, Le petit monde de Miki, Paris, Gallimard Jeunesse, 2005.

9 Annelore Parot, Aoki, Toulouse, Milan Jeunesse, 2010.

10 François Caron, Le puissant royaume du Japon, Paris, Chandeigne, 2003, première publication en 1636.

11 Comme c’est le cas pour plusieurs peintres de cette époque, Monet, Lautrec et Gauguin pour n’en nommer que quelques-uns, le japonisme est une des forces créatrices qui influence à la fois le sujet, les thématiques et l’esthétique. Van Gogh, le grand peintre hollandais établi en France, sera responsable de réinterprétations d’œuvres de grands maîtres japonais dont « Le prunier en fleurs » basé sur l’estampe de Hiroshige « Kameido Umeyashiki ». Elwood Hartman explique que pour les Européens, l’attrait de l’art japonais réside dans : « […] the things missing in Japanese art –the lack of asymmetry, perspective, and chiaro-scuro–, the refusal to fit the picture neatly into its frame, the love of empty spaces » (Elwood Hartman, « Japonisme and Nineteenth-Century French Literature », Comparative Literature Studies, vol. 18, n° 2, juin 1981, p. 147).

12 « Some have compared the new brush technique of Japanese painters to the short sentences, broken structure, verbless phrases and colorful nouns of late nineteenth-century French prose » (Elwood Hartman, « Japonisme and Nineteenth-Century French Literature », Comparative Literature Studies, vol. 18, n° 2, juin 1981, p. 150).

13 Sur le plan politico-culturel, on lui doit, entre autres, l’établissement de la Maison franco-japonaise en 1924 (Tokyo) puis la création de l’Institut franco-japonais du Kansai en 1927. Si, à l’origine, la Maison franco-japonaise avait comme mandat de restreindre l’influence allemande au Japon, après la Seconde Guerre mondiale, elle est devenue un institut français de recherche sur le Japon.

14 Au cours de son mandat, le président français fera cinq visites officielles à ses homologues politiques au Japon. Il inaugure en 1997 la Maison de la Culture du Japon (projet entamé en 1994 sous la présidence de François Mitterrand) et en mars 2005, il participe à l’adoption de la Déclaration pour un nouveau partenariat franco-japonais. Cette déclaration réitère l’importance des échanges politiques, économiques et socioculturels et fixant neuf objectifs de coopération, dont celui de créer un cadre favorisant le développement des échanges culturels et scientifiques.

15 Maxime Rovere, « Le Japon, une passion française », Marianne [En ligne], 18 mars 2012 [http://www.marianne.net/Le-Japon-une-passion-francaise_a216457.html] (consulté le 1 décembre, 2012).

16 En date du 9 janvier 2016.

17 Mentionnons aussi les Éditions HongFei Culture, créées en 2007, qui proposent comme ligne éditoriale, « une expérience sensible de la Chine ». La maison d’édition compte à son actif, en 2015, un peu plus de 60 titres pour les enfants de 3 à 12 ans. À travers les ouvrages publiés, HongFei Culture déstabilise la perspective européenne monolithique en présentant de nouvelles voix et de nouveaux discours aux jeunes Français.

18 En anglais, les 5F représentent les catégories des représentations ethniques et culturelles stéréotypées communément proposées dans les médias : Festival, Food, Folklore, Fashion et Famous people/Flag.

19 James A. Banks, An Introduction to Multicultural Education, Needham Heights, Allyn and Bacon, 1994.

20 Enid Lee, Deborah Menkart and Margo Okazawa-Rey, Beyond Heroes and Holidays, Washington, Network of Educators on the Americas, 1998.

21 « Highlighting the exotic features that are often more recognizable through cultural tradition has been overused and misleads readers about the imagined community, and it is where the 5F approaches (Festival, Food, Folklore, Fashion, and Famous people) for multicultural education have been problematized (Banks, 1994). Expecting an exotic life style, divorced from a contemporary American life, makes the reading of multicultural literature more stereotypical. » Yoo Kyung Sung, A Postcolonial Critique of the (Mis)Representation of Koreans-Americans in Children’s Picture Books, PhD, University of Arizona, 2009, p. 43.

22 Soulignons qu’à l’origine, et en Chine et au Japon, les estampes produites étaient celles des textes sacrés bouddhistes. Aussi dans sa plasticité, Le petit monde de Miki reprend les caractéristiques de l’esthétique zen du wabi-sabi [simplicité et travail du temps].

23 Dominique Vochelle, Le petit monde de Miki, op. cit., 3e double-page.

24 Dominique Vochelle, Le petit monde de Miki, op. cit., 8e double-page.

25 Tsuki no usagi est un conte faisant partie de l’anthologie japonaise Konjaku Monogatarishu (今昔物語集). Cette anthologie rassemble plus d’un millier de contes japonais écrits durant la période Heian (794-1185).

26 Eliot Nine, « Pourquoi y a-t-il un lapin sur la Lune ? », Japon infos, 2014, [En ligne] [http://www.japoninfos.com/pourquoi-y-a-t-il-un-lapin-sur-la-lune-19012014.html] (consulté le 3 aout 2016).

27 Nathalie Schon, L’auto-exotisme dans les littératures des Antilles françaises, Paris, Karthala, 2003, p. 15.

28 Marco Pellitteri, The Dragon and the Dazzle. Models, Strategies, and Identities of Japanese Imagination, a European Perspective, Latina, Tunué, 2010, p. 186.

29 Annelore Parot, Aoki, op. cit., 10e double-page.

30 Le site web créé en 2010, n’héberge plus le club depuis mars 2016. Dorénavant, l’internaute est redirigé vers le site de la maison d’édition [http://www.kokeshi-leclub.com].

31 À l’occasion de la Fête des lumières de Lyon en 2012, Annelore Parot a participé à la construction d’une installation luminaire mettant en scène 7 kokeshi de ses ouvrages.

32 Marc Boutavant, Le tour du monde de Mouk, Paris, Albin Michel Jeunesse, 2007.

33 Davide Cali et Chiaki Miyamoto, Le perroquet de l’empereur, Vanves, nobi nobi !, 2014.

34 Cet atlas est aussi un album-jeu de style « cherche et trouve » en plus d’offrir aux lecteurs des gommettes réutilisables.

35 Michael Lucken, Japon l’archipel du sens, Paris, Perrin, 2016, p. 15.

36 Frédéric Marais, Yasuke, Montreuil, Les fourmis rouges, 2015.

37 Patrick Charaudeau, « Les stéréotypes, c’est bien. Les imaginaires, c’est mieux », op. cit., (consulté le 22 février 2018).

38 Sophie Van den Broeck, « Un imaginaire normé ? La question du détournement dans l’album jeunesse », Figura 19, 1, 2008, p. 242 (consulté en ligne le 8 décembre 2014), [http://oic.uqam.ca/fr/articles/un-imaginaire-norme-la-question-du-detournement-dans-lalbum-de-jeunesse].

39 Jean-François Staszak, « Qu’est-ce que l’exotisme ? » Le Globe [En ligne], Genève, 2008 (consulté en ligne le 9 décembre 2014) [http://www.unige.ch/sciences-societe/geo/collaborateurs/publicationsJFS/Globe2008_Article1_.pdf], p. 18.

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Table des illustrations

Crédits                 Cosplayers et sakura dans Annelore Parot, Aoki, Toulouse, Milan Jeunesse, 2010, © Annelore Parot et Milan.

URL        http://journals.openedition.org/strenae/docannexe/image/2821/img-1.jpg

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Pour citer cet article

Référence électronique

Catherine Cua, « L’iconicité de l’imaginaire japonais dans l’album illustré jeunesse en France », Strenæ [En ligne], 14 | 2019, mis en ligne le 05 avril 2019, consulté le 25 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/strenae/2821 ; DOI : 10.4000/strenae.2821

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Auteur

Catherine Cua

Université York

Toronto, Canada