MERGHEN ET SES AMIS

"MERGHEN ET SES AMIS" /Conte populaire nanaï. Texte français de Michèle Courtois ; ill. de G Pavlichine.  Ed. La Farandole, 1976

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Il y a fort longtemps, vivait dans la montagne, au bord d'une rivière, le brave et généreux Merghen. Il pêchait et chassait, et ne rentrait jamais les mains vides. Cependant, il tuait que ce qui lui était nécessaire pour se nourrir.

Une fois, il partit à la chasse. Il arriva ainsi jusqu'au fleuve Amour : toujours pas de gibier. Il alla plus loin, dans ces contrées désertes où un vieux tigre, prince de la taïga, règne sur les animaux. En marchand à l'orée du bois, il vit un renne enlisé dans un marais profond. Merghen s'en approchait, quand il entendit le renne le supplier d'une voix plaintive :

- Merghen, sauve-moi, tire moi de là.

Le chasseur eut pitié de lui et le tira du marécage. Le renne, en s'ébrouant, lui dit :

- Merghen, quand tu auras besoin d'aide, appelle-moi.

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Ainsi parla le renne et il disparut dans la forêt. Merghen poursuivit sa route dans la taïga, l'oeil aux aguets. Mais voilà qu'il remarque une malheureuse fourmi, prise sous une branchette tombée d'un chêne.

- Merghen, sauve-moi! supplie la fourmi.

Le chasseur en eut pitié, écarta la branchette et prit la fourmi sur sa main.

- Merci, Merghen. Quand tu auras besoin d'aide, appelle-moi.

Il continua à marcher le long du fleuve jusqu'à un endroit où l'eau prend une belle teinte bleue. Il décide de s'y reposer. A peine avait-il posé son sac qu'il entendit une voix rauque :

- Merghen, sauve-moi ; je me meurs. Voilà trois jours que je suis sur la rive.

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Alors, le chasseur aperçut, au bord de l'eau, un énorme esturgeon.

De l'épaule, Merghen poussa le poisson géant qui, d'un coup de queue, fouetta l'eau et s'enfonça dans les profondeurs. Le chasseur, lui, s'assit sur une pierre pour souffler un peu. Bientôt la tête du poisson réapparut.

- Merci, généreux Merghen. Quand tu auras besoin d'aide, appelle-moi.

Après s'être reposé, le chaseur reprit son chemin. Il découvrit soudain un village inconnu. Un gros vieillard au regard rusé et une vieille femme sortirent de la plus grande et plus riche demeure.

- Qui es-tu donc? lui demanda le vieux d'une voix mielleuse.

- Je suis un chasseur, répondit Merghen. Je chassais dans la taïga et, voyant ton village, k'ai décidé de m'y arrêter.

- Eh bien, entre donc ; tu seras notre hôte.

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Merghen venait de jeter un coup d'oeil à l'intérieur, quand il entendit teinter des pendants d'oreilles ; une jeune fille ravissante apparut alors sur le seuil. Son visage cuivré resplandissait de beauté, ses yeux scintilaient et une tresse, noire comme la nuit, courait le long de son dos.

- Eh quoi, ma fille te plairait-elle? demanda le vieux.

- Il y a beaucoup de jeunes filles très belles dans nos contrées, mais je n'en ai jamais vu de semblable, avoua Merghen. Donne-la-moi en mariage. Je t'en offrirai un bon prix.

- Ce n'est pas si simple, Merghen, réondit le rusé vieillard. Cent braves chasseurs, déjà, ont voulu devenir mes gendres, et tous sont maintenant mes serviteurs. Tu auras trois épreuves. Si tu en triomphes, tu seras mon gendre. Sinon, tu resteras à mon service. Réfléchis et dis-moi si tu es d'accord.

- Je suis d'accord ! s'exclama aussitôt Merghen.

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- Mes fidèles serviteurs, apportez-moi les bottes de fer ! ordonna le vieux.

Avec beaucoup de peine, les serviteurs les trainèrent jusqu'à lui.

- Voilà des bottes de fer toutes neuves pour toi. Si tu parviens à les user en une nuit, alors viens demander la deuxième épreuve, dit le vieux, et il s'éloigna.

Merghen prit les lourdes bottes et partit dans la taîga. "Pour les user, il faudrait plusieurs vies", songeait-il avec amertume. Et soudain, il se souvint du renne. Il l'appela :

- Renne, mon ami, viens à mon secours!

A peine l'écho avait-il répété son appel, que le renne se présentait devant lui. Merghen lui raconta son malheur. Sans rien répondre, le renne enfila les bottes sur ses pattes de devant et disparut dans les montagnes. On ne vit plus que les éclairs, semblables à des étoiles d'argent, qui jalonnaient son chemin. Quand à Merghen, il s'allongea dans l'herbe et s'endormit. Au matin, le renne était déjà là. A ses pattes, il ne restait que les tiges des bottes de fer.

Tout heureux, Merghen embrassa son ami sur son museau au poil sombre, puis il s'empara des tiges et se pressa vers le village. Arrivé à la maison du maitre, il frappa bruyamment. Le vieux sortit.

Merghen jeta à ses pieds ce qu'il restait des bottes et demanda :

- Quelle est la deuxième épreuve?

D'étonnement, le vieillard ne trouvait plus ses mots. Revenu de sa stupeur, il s'écria :

- Serviteurs, apportez-moi cinq sacs de millet !

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Il répendit le millet sur la terre de sorte que les grains étaient éparpillés par tout le village et il dit avec un sourire malin :

- Et maintenant, ramasse tout le millet sans en oublier un seul grain. Tu as un jour pour le faire.

Merghen partit dans la campagne, s'étendit par terre et cria :

- Fourmi, mon amie, viens à mon secours!

La fourmi arriva. Le chasseur lui raconta sa deuxième épreuve. Elle appela ses soeurs. En un instant, une telle quantité de fourmis fut rassemblée qu'on ne voyait plus le sol. Elles se mirent à ramasser tous les petits grains de millet.

Merghen n'eut pas le temps de terminer la pipe qu'il avait allumée, que tout le millet était ramassé et remis dans les sacs.

Il remercia les fourmis et alla voir le vieux. Ce dernier fut encore plus étonné que la première fois. Il se gratta la tête et lui dit :

- Je vais t'indiquer ta dernière épreuve. Si tu en triomphes, ma fille deviendra ta femme. Il ya très, très longtemps, mon père perdit un anneau d'or dans l'Amour. Trouve-le avant ce soir.

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En sortant de la maison, Merghen, qui était d'humeur sombre, trébucha. C'est alors qu'il aperçut à la fenêtre le foulard de la jeune fille, puis, elle-même se montra. Redevenu joyeux, le chasseur alla jusqu'au fleuve et appela par trois fois :

- Esturgeons, Maitre de tous les poissons! Viens à mon secours!

L'eau bouillonna, écuma, et la tête de l'esturgeon apparut. Merghen lui confia sa peine.

Sans rien répondre, l'esturgeon s'enfonça vers le fond où il rassembla tous les poissons de l'Amour. Grands et petits fouillèrent le fleuve et ils trouvèrent l'anneau d'or, que l'esturgeon remit au chasseur.

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Le coeur en fête, Merghen porta l'anneau au vieil homme qui le lui prit en remerciant ; puis, menant sa fille par la main, il l'amena à Merghen.

- Brave et diligent chasseur, dit-il. Je te donne ma fille en mariage. Prends aussi mes esclaves et mes serviteurs. Tout le village t'appartient.

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Merghen, alors, répondit :

- Me voici comblé! Mais dorénavant, il n'y aura plus ni serviteurs, ni esclaves. Nous serons tous amis.

A partir de ce jour, ils vécurent heureux et dans l'aisance. Et la chance ne quitta jamais les chasseurs du village.