RESTAURANT

"C'est la Mère Michel qui lui a demandé : mon chien n'est pas perdu, vous l'avez donc trouvé? C'est le vieux Lee Wang Chu qui lui a répondu : trouvé pas difficile, chien être sur menu". (extrait d'une version détournée de "La Mère Michel")

Parler du restaurant chinois est très différent selon qu'il sagisse d'un point de vue chinois ou français. C'est certainement le symbole le plus fort et la référence qui vient à l'esprit d'un occidental. Dans le chinatown parisien, mais aussi en dehors, c'est le commerce qui donne une lisibilité à cette communauté, même s'il n'est pas toujours chinois. C'est aussi pour beaucoup de français, le seul lieu asiatique qu'ils connaitront. Pour attirer ces clients, les commerçants se sont adaptés, en offrant une cuisine au goût français, mais surtout en proposant un peu d'exotisme, de rêve très accessible.

 

une enseigne qui se voit de loin!

Lorsque nos héros évoluent en Chine, la Grande muraille, les rizières, les paysans, les temples et autres caractéristiques chinoises ne manquent pas pour servir de décors et illustrer les aventures qui ne se déroulent que rarement à notre époque (voir art.) ; en occident, le chinatown sert souvent de décors (voir art.), et en France, la capitale est presque exclusivement le lieu privilégié afin que nos héros puissent s'aventurer dans un chinatown. Si l'atelier clandestin, la boutique de vêtements ou le bazar aux objets insolites sont exploités, le restaurant reste le lieu idéal puisqu'il réunit tous les symboles, les clichés du monde chinois.

Visible et identifiable rapidement de l'extérieur, sa décoration fait rêver et correspond non pas à des codes esthétiques chinois mais à un mélange de symboles que le client du restaurant se sera approprié.

 

Déco typique du restaurant

La devanture fait rêver, invite à passer un moment festif. Rouge, la façade est agrémentée des porte bonheurs, de lanternes ou/et de lumières, avec une entrée gardée par des lions ; quant à l'enseigne avec son écriture mystèrieuse et exotique, elle invite au voyage. Le client, surtout s'il n'est pas coutûmier des repas chinois, attend un protocole, une mise en scène qui lui est familière. Assiettes décorées, baguettes, biscuits chinois, serviettes chaudes... sans oublier la nourriture adaptée au goût occidental.

 

Où l'on s'évade dans la porcelaine

Si le chinatown est bien présent dans la littérature anglosaxonne, avec ses triades, ses magasins et entrepôts, il est plus récent dans la littérature jeunesse française. A de rares exceptions, comme la série "Lila et Lin", il ne sert qu'à introduire une histoire où les héros se transportent rapidement dans un autre monde et/ou époque (voir art.) ; lorsqu'il sert de cadre à une aventure en Chine, c'est pour aborder quelques particulartités culinaires chinoises : les insectes ou le chien pour les plus repoussants. Michel Delpech évoque son plaisir du restaurant ("restaurant chinois") : "Je mange avec des baguettes au restaurant chinois/Ma joie serait incomplète sans baguettes au chinois".

 

"Lila et Lin" sont deux enfants parisiens qui évoluent dans la communauté chinoise, surtout dans le quartier de Belleville. La nourriture est souvent évoquée avec les plats à emporter, les magasins comme Tang Frères ; le restaurant quant à lui y trouve sa place comme décors : "(...) Elle remonta la rue de Belleville. Il n'était que 17h30 et il faisait déjà nuit. Elle admirait les devantures des restaurants asiatiques comme s'il s'agissait de vitrines de Noël. Elle s'arrêta devant celle des Baguettes d'or, aux allures de palais impérial en carton pâte. Rien à voir avec le reste de l'immeuble, à la façade vraiment décrépite (...)" Le restaurant sert de cadre aux réglements de comptes avec la mafia.

 

règlement de compte dans les cuisines d'un restaurant parisien

Souvent à la fin d'un repas, le restaurant offre de petits biscuits creux dans lesquels est dissimulé un message énigmatique et humoristique sur un fin morceau de papier : ce biscuit chinois créé aux Etats-Unis sera le "héros" de "Magic cookies" où deux enfants voient leur amitié soumise à rude épreuve. L'héroine de "Cathy's book" décrit une salle de restaurant fréquentée par des chinois : "(...) il y avait encore plus de bruit à l'intérieur qu'à l'extérieur. Le brouhaha des conversations rivalisait avec le tintamarre des couverts et des chariots chargés de plats que les serveurs manoeuvraient entre les tables. Ca sentait le crabe vapeur, l'ail grillé et la sauce de soja, mais par-dessus tout la cigarette. En Californie il est interdit de fumer dans les restaurants, mais ici ce n'était plus la Californie. On était à Chinatown, le soir du Nouvel An, et la loi était différente (...)"

 

 

biscuits chinois

Mais ce qui fait rêver les occidentaux, ce sont la vaisselle aux décors de paisibles paysages chinois ("Le voyage en porcelaine") ou les menus pas toujours explicites : "(...) Malheureusement, aucun des plats n'étaient traduit en anglais. Il observa sa compagne (...) Elle parut demander de nombreux plats, mais evidemment Will ne saisit pas un seul mot. (...) Dix minutes après, les plats arrivèrent. Le premier offrait une ressemblance suspecte avec un canard mort. (...) Et les mets continuèrent de se succéder, chacun plus horrible que le précèdent." ("Le jour du dragon" A Horowitz). Wendy quant à elle profitera de son séjour en Chine pour comparer les restaurants : "Ce soir-là, Wendy fut prise d'une impérieuse envie de manger de la vraie nourriture chinoise, dans un vrai cadre chinois où aucune concession ne serait faite au palais européen(...)" ("Sherley et le rébus chinois")

Si le restaurant est une part de rêve, d'accès à la culture chinoise pour les occidentaux, il est, avec les magasins de vêtements, une des rares issues pour des pauvres migrants chinois. Linn Linn vit en France où ses parents ont ouvert un restaurant. Ce cadre semble très agréable mais la petite fille ne cesse de penser à son grand-père resté en Chine. Le plus brillant de nos restaurateurs chinois est Chang Siu qui quitte sa province du Kiang-si, sans un sou, pour s'installer près de Marseille où il connaitra un gros succès en ouvrant son restaurant dans un arbre...

 

 

REFERENCES

"Cathy's book" / Stewart, Weisman, Brigg Bayard, 2008

"Dans les griffes de la triade" / Bruce Litchi Magnard, 2005

"Le jur du dragon" / Horowitz Anthony Le Livre de poche (rééd.) 2003

"Linn Linn la petite fille du restaurant chinois" / Lecuyer Nathalie Milan, 1996

"Magic cookies" / Van Belle Anita Gallimard, 2002

"Maître cuistot sur un arbre perché" / Drac Romain Milan, 2008

"Shirley et le rébus chinois" / Home-Gall Edward Ed. G.P., 1970

"Le Voyage en porcelaine" / Evrard Gaëtan Ecole des loisirs, 1997