LE MUR
LE MUR
"(...) Il monta dans un arbre. Spectacle étrange! Devant lui se dressait un mur gigantesque, une muraille de pierres blanches surmontée d'une sorte de fresque sculptée(...)" Tarzan et les chinois
"L'obstacle n'est pas le mur. L'obstacle est ton mental. Tant que tu verras un mur, tant que tu lui donneras un nom, tu ne pourras aller au-delà" Passe muraille. Contes des sages taoïstes
"La Cité interdite est un véritable labyrinthe! (...) Il y a des dizaines de bâtiments, des jardins, des temples, des entrepôts, des réserves, des palais, des pavillons... Personne ne peut retrouver son chemin dans un tel capharnaüm! Aussi chacun a son territoire personnel, qu'il ne quitte jamais de peur de s'égarer. Le cuisinier va de la cuisine à ses appartements, les dames de la cour de leur pavillon au Palais impérial(...)" (Tom Cox et l'impératrice sanglante)
Une rue de Pékin (rue des artistes)
MUR DANS L'ESPACE : DE L'UTILE AU SYMBOLE
Voilà un sujet bien complexe qui ne peut se traiter en quelques lignes ; mais il est indispensable de l'aborder pour aborder d'autres thématiques...
Si ce mur chinois peut servir à séparer, supporter, délimiter, défendre, il ne le fait pas dans le même contexte que celui que nous connaissons en France. Il est aussi esthétique, symbolique et surtout cohérent en tant que tel, sans se fondre dans un décors ou un ensemble explicitant son utilité.
Cour intérieure d'une maison de Pékin
MUR DANS L'ESPACE : DE LA GRANDE MURAILLE A LA MAISON
Les chinois pensaient que la Terre était carrée, le ciel rond, avec cinq points cardinaux, marqués physiquement dans l'espace. Cela n'a rien de folklorique : n'importe quel touriste le remarquera en se heurtant à une logique chinoise quant à la conception même des villes...
Les villes étaient carrées, avec des entrées aux points cardinaux ; ville extérieure ou intérieure, elle est délimitée aussi par des murs, de même que les rues de certaines cités (Beijing), sont fermées, n'offrant que peu d'accès, d'ouvertures sur la rue, les maisons étant ouvertes sur des cours intérieures... Dans certaines maisons encore, la pièce proncipale, centrale est close, sans fenêtre ou porte ouvrant directement sur l'extérieur.
Les chinois devant faire face à de nombreuses invasions, ont construit cette grande muraille, si chargée de symboles que nombreuses personnes pensent encore qu'elle est visible depuis la Lune, ce qui est très logiquement impossible... Pour les villes, au-delà même de leur utilité première, de défense contre l'ennemi mais aussi les caprices de la météo, les murs ne séparent pas mais délimitent les espaces : publics, semi-publics et privés.
C'est le cas notament dans certaines villes organisées de manière clanique, où le mur régit l'espace des familles au sens large, formées de plusieurs dizaines d'individus.
Si ces villes, ces maisons sont murées, n'offrant que peu de divertissement au regard du promeneur, c'est qu'il protège aussi, non d'éventurels voleurs ou ennemis, mais des mauvais esprits : pour certaines fêtes -le Nouvel an pour la plus connue-, murs et fenêtres sont décorés ; le haut de certains murs sont ondulés pour imiter le dragon... dragons (au nombre de huit) que l'on retrouve aussi dessus (voir art.) pour protéger les maisons, de même que nombreuses portes s'ouvrent sur une grosse marche afin de bien délimiter l'intérieur de l'extérieur, rendant l'accès impossible aux mauvais esprits.
Les points cardinaux quant à eux imposent la taille des murs, l'occupation des pièces, l'orientation des ouvertures : l'entrée grande au sud est très petite au nord ; les murs au nord sont aussi symboliquement plus imposants.
AMENAGEMENT DE L'ESPACE : L'EXEMPLE DU JARDIN
Le mur délimite, aménage l'espace, plus qu'il ne le ferme...
Ce qui frappe dans le dessin chinois, c'est l'organisation de l'espace et la symbolique de la représentation. En effet un simple détail peut exprimer une idée, un thème ; l'échelle n'est pas forcément respectée dans la représentation, ni même la perspective...
Le dessin, comme les jardins chinois ont la particularité d'être très ordonnés, équilibrés. Il n'y a pas de perspectives, d'horizons infinis ; même le "blanc", les "vides" ont une place bien définie. Le mur lui, ne ferme pas cette perspective mais il met en valeur le jardin, éliminant toute pollution visuelle, extérieure. Certains murs sont placés pour que le regard du visiteur ne se perde pas, mais soit accompagné. Un petit jardin donne alors l'impression d'être immense. Le mur a donc un rôle d'aménagement, de décors et non de protection ; le plus souvent il est blanc, permettant le soir à la Lune de s'y refléter, mettant le jardin en valeur. Mais la couleur du mur a aussi ses codes...
Lola rêve d'une Chine au paysage idéal... mais découvre une ville immense, polluée axu murs gris
mur coloré
Si certains murs sont encore mieux protégés avec des dragons ou des décorations, il apporte aussi avec sa couleur une indication sur ce qu'il cache... les couleurs sont codées : le jaune est réservé à l'empereur, le bleu aux nobles et le gris au peuple. Le rouge lui informe qu'il ne s'agit pas d'une maison d'habitation.
Affichage de propagande
LE MUR S'AFFICHE
Le graffiti n'en est qu'à ses débuts en Chine et encore, plus sous une forme artistique que revendicative. Le mur informe, raconte une histoire...
Certains quartiers étant accessibles par une unique porte, il était plus aisé de contrôler les allées et venues des habitants mais aussi de les informer : information propagandiste, le journal, pouvant être ainsi lu par tout le monde mais également des informations pédagogiques sous formes de dessins pour être bien comprises. Si les grandes envolées lyriques propagandistes s'affichaient à tous les carrefours, les murs continuent à jouer leur rôle d'information autant que de publicité
- Informations pédagogiques : pour la limitation des naissances, le respect des adultes dans les années soixante-dix à quatre-vingt dix mais encore pour l'accueil des étrangers venant visiter la Chine pour les jeux olympiques ou l'exposition universelle : Shanghai continue ainsi à appendre à ses habitants à être plus propres...
- Informations historiques : les chinois sont présents sur toute la planète, se regroupant souvent dans un chinatown. S'il ne peut que se fondre dans la ville locale, l'entrée du chinatown est symboliquement marqué par une porte, sous entendu qu'il est clos de murs... Murs qui témoignent de l'histoire de ses occupants : l'histoire des migrants chinois y est peinte, rapppelant ainsi à tous que la communauté existe, qu'un mur symbolique la protège...
(voir autres rubriques du site)
DU MUR COLLECTIF AU MUR INTIME
Ce mur qui délimite les pièces dans une maison sert de support, se cache derrière des tableaux, papiers et autres rideaux, comme en occident mais cela reste relativement récent.
Le mur indiquait le temps : souvent une horloge et un calendrier, parfois un arbre généalogique et le portrait de Mao... La pièce, souvent collective, aux multiples fonctions avait des murs dépersonnalisés. Mao imposait le respect et l'ordre dans la pièce, laissant petit à petit une place à l'intime : de la collectivité à la personne et son histoire : des photos de famille ornent les murs.
ET APRES...
Le pays évolue très vite : l'espace s'organise plus en hauteur avec des building pour des cités abritant plusieurs millions de personnes. Mais les jardins sont encore là, les superstitions aussi...
La grande muraille a inspiré aussi différents jeux : le mah-jong où le mur est formé par les "briques" ; le jeu du mur chinois qui se pratique encore dans les cours de récréation, où un groupe d'enfants doit traverser la cour sans être touché par d'autres enfants formant un mur au milieu de celle-ci...
La grande muraille fera l'objet d'un autre article... vous trouverez sur le site des photographies concernant les murs décrits ci-dessus, de Pékin, San Francisco et Philadelphie
REFERENCES DES ILLUSTRATIONS ET TEXTES
"Contes des sages taoistes" Fauliot P Seuil, 2004
"En Chine" Gauthier Arts graphiques, 1912
"Le fantôme de Shanghai" Guillot C Seuil, 1998
"La Grenade" Li S Dauphin, 1989
"Li la petite calligraphe" Belin, 2006
"Lola en Chine" Höglund A Seuil, 2000
"Ma vie à Pékin au fil des mois" He Z Syros, 2003
"Mao et mo" Chen J H Ecole des loisirs, 2008
"Mei Hua la petite chinois" Proupuech, C Mila, 2005
"Pékin" Larousse (les villes ont une histoire), 1988
"Tarzan et les chinois" Hachette, 1939
"Terre rouge, fleuve jaune" Zhang A Circonflexe, 2005
"Tom Cox et l'impératrice sanglante" Krebs F Seuil, 2001