Entretiens avec Feng Chen (agent littéraire) et Bai Bing (Editions Jieli)
Publié par le BIEF (Bulletin International de l'Edition Française)
5 avr. 2004
Feng Chen, agent littéraire
(propos recueillis par Catherine Fel)
, agent littéraire(propos recueillis par Catherine Fel)
Dans la dynamique des échanges entre la France et la Chine, les agents jouent un rôle important en raison de la barrière de la langue et des différences de cultures éditoriales. Nous avons rencontré lun deux, Feng Chen, qui a démarré son activité en 1999, et est à lorigine dun peu plus de 300 contrats, en grande majorité de cessions de droits. Chinoise en France, elle est aussi correspondante du China Book Business Report (journal de la profession en Chine) et directrice de collection chez Philippe Picquier.
Elle vient de publier Lettres chinoises, les diplomates chinois découvrent lEurope chez Hachette Littératures, dans la collection « La vie quotidienne ».
Pourquoi devenir un passeur entre les éditeurs français et chinois ?
Feng Chen : Jai toujours souhaité entreprendre une activité au croisement de ma perception des deux cultures. Arrivée en France après mes études universitaires, jy ai effectué un DEA en littérature française et un doctorat en histoire à lEHESS. Jai continué dans la recherche jusquau jour où un éditeur chinois ma sollicitée pour mettre sur pied une collection douvrages en sciences humaines, traduits du français. Cest de là quest né pour moi le plaisir de travailler comme intermédiaire et de relever une sorte de défi, qui consiste à savoir susciter la curiosité réciproque sur de nouvelles idées, des catégories de pensée différentes, dautres références et dautres valeurs culturelles. Et puis, au fur et à mesure, jai ressenti mon métier comme une mission culturelle.
Jai toujours souhaité entreprendre une activité au croisement de ma perception des deux cultures. Arrivée en France après mes études universitaires, jy ai effectué un DEA en littérature française et un doctorat en histoire à lEHESS. Jai continué dans la recherche jusquau jour où un éditeur chinois ma sollicitée pour mettre sur pied une collection douvrages en sciences humaines, traduits du français. Cest de là quest né pour moi le plaisir de travailler comme intermédiaire et de relever une sorte de défi, qui consiste à savoir susciter la curiosité réciproque sur de nouvelles idées, des catégories de pensée différentes, dautres références et dautres valeurs culturelles. Et puis, au fur et à mesure, jai ressenti mon métier comme une mission culturelle.
Quelles sont, daprès vous, les grandes tendances en ce qui concerne les achats de droits douvrages français par les éditeurs chinois. Observez-vous une évolution ?
F. C. : Je constate une grande ouverture à la diversité. Il y a cinq ou six ans, tous les éditeurs se ruaient vers les mêmes ouvrages, les romans lauréats des prix littéraires ou qui faisaient parler deux. Aujourdhui, beaucoup déditeurs cherchent à mieux définir leur ligne éditoriale et à linstaller dans le long terme, à « inscrire leur empreinte ». Ainsi, pour les ouvrages des sciences humaines, qui peuvent être appréciés en Chine par un public assez large, les éditeurs se montrent de plus en plus audacieux et ouverts à des collections dont le concept est original, collections existant de longue date comme « La vie quotidienne » chez Hachette Littératures (dont 30 titres ont été achetés par un éditeur chinois) ou de toutes nouvelles collections comme « Idées reçues » aux éditions du Chevalier Bleu (dont un éditeur chinois a acheté les droits de 20 titres). Ils publient aussi dune manière plus systématique les ouvrages de grands penseurs les uvres complètes de Lévi-Strauss sont ainsi peu à peu accessibles aux lecteurs chinois , confiants désormais en leur capacité de diffusion et de distribution. Ce qui ne les empêche pas de saisir très rapidement des best sellers français dont la publication en Chine peut devenir un petit événement. Les droits en chinois de De Gaulle, mon père ont ainsi été achetés seulement trois semaines après la sortie de ce livre en France.En ce qui concerne la littérature, ce sont les auteurs classiques qui marchent le mieux. Un éditeur vient de signer les contrats pour dix recueils de grands poètes français du XXe siècle (Gallimard). Les romans contemporains sont plus difficiles à faire accepter par les lecteurs chinois, sauf pour des auteurs de grande renommée : après Marguerite Duras, lengouement sest porté sur Milan Kundera. La série Peggy Sue de Serge Brussolo connaît aussi un grand succès, en « prenant en marche le même train que Harry Potter », selon lexpression de son éditeur chinois. De courts textes comme Paris linstant de Philippe Delerm, Bouquiner dAnnie François ou Lettre à un petit garçon de Christine Clerc trouvent aussi leur place dans les catalogues chinois. Comment traiter le stress, la dépression, comment maigrir
: les Chinois commençant à partager les mêmes soucis que les Occidentaux, certains éditeurs sont tentés par des ouvrages de psychologie pratique.
Comment travaillez-vous ? Jusquoù intervenez-vous ?
F. C. : Dans ce travail, la communication régulière compte énormément. Internet, le mail et le téléphone me permettent de rester en contact avec mes partenaires chinois, pour prospecter des ouvrages et régler des affaires. Je passe chaque année 2 ou 3 mois en Chine, pour mieux sentir latmosphère, et prendre connaissance de lévolution du marché du livre, notamment en matière de législation.Comme outil de travail essentiel, je me suis constitué mon propre catalogue douvrages pour lesquels je fournis une notice en chinois. Parmi les contrats qui aboutissent, plus de 90 % concernent des ouvrages que jai recommandés.
Dans ce travail, la communication régulière compte énormément. Internet, le mail et le téléphone me permettent de rester en contact avec mes partenaires chinois, pour prospecter des ouvrages et régler des affaires. Je passe chaque année 2 ou 3 mois en Chine, pour mieux sentir latmosphère, et prendre connaissance de lévolution du marché du livre, notamment en matière de législation.Comme outil de travail essentiel, je me suis constitué mon propre catalogue douvrages pour lesquels je fournis une notice en chinois. Parmi les contrats qui aboutissent, plus de 90 % concernent des ouvrages que jai recommandés.
Y a-t-il des problèmes au moment de la négociation des contrats ?
F. C. : Pour les contrats portant sur des ouvrages de littérature générale, il ny a plus vraiment de difficultés. Tout le monde respecte les règles du jeu. Mais dans le domaine des ouvrages illustrés, le projet échoue parfois, après une longue négociation, à cause du coût très élevé des droits de reproduction, difficilement compatible avec un prix du livre assez bas en Chine, ou de lexcès de prudence des éditeurs français.
Pour les contrats portant sur des ouvrages de littérature générale, il ny a plus vraiment de difficultés. Tout le monde respecte les règles du jeu. Mais dans le domaine des ouvrages illustrés, le projet échoue parfois, après une longue négociation, à cause du coût très élevé des droits de reproduction, difficilement compatible avec un prix du livre assez bas en Chine, ou de lexcès de prudence des éditeurs français.
Pensez-vous que la hausse des traductions des auteurs chinois liées au Salon du Livre sinstallera dans la durée ?
F. C. : La présence des auteurs chinois au Salon du Livre entrainera plus dintérêt des lecteurs français pour eux. Toutefois, pour développer cette présence, il faudrait que les éditeurs français soient mieux informés et se débarrassent des idées reçues. Il faudrait quils considèrent la Chine, non seulement comme un grand marché potentiel, mais aussi comme un pays dune grande richesse culturelle et intellectuelle, se traduisant dans une production éditoriale quils doivent, dans les échanges commerciaux, considérer à laune de leurs propres critères.
La présence des auteurs chinois au Salon du Livre entrainera plus dintérêt des lecteurs français pour eux. Toutefois, pour développer cette présence, il faudrait que les éditeurs français soient mieux informés et se débarrassent des idées reçues. Il faudrait quils considèrent la Chine, non seulement comme un grand marché potentiel, mais aussi comme un pays dune grande richesse culturelle et intellectuelle, se traduisant dans une production éditoriale quils doivent, dans les échanges commerciaux, considérer à laune de leurs propres critères.
NB : Les éditeurs avec lesquels Feng CHen travaille le plus régulièrement sont Renmin University Press, Hebei Education Press, Gaungxi University Press, Peking University Press, Hunan University Press, Shanghai Bertelsmann Publishing, Hainan Publishing House, Citic Publishing House, Jieli Publishing House, Baihua Publishing House, Art & Culture Publishing House, Baihua Art & Culture Publishing House.
Bai Bing (Editions Jieli)
(propos recueillis et traduits par Feng Chen, agent littéraire)
(propos recueillis et traduits par Feng Chen, agent littéraire)
Feng Chen : Pouvez-vous nous présenter votre maison dédition ?
Bai Bing : La maison dédition Jieli (« du Relais »), dont je suis responsable, est une maison indépendante de taille moyenne, située à Na Ning, capitale de la province du Juang Xi. Elle produit principalement des manuels pédagogiques pour lécole primaire et le lycée et réalise un chiffre daffaires denviron 1,2 milliard de yuans (soit 114 millions deuros). Notre succursale de Pékin publie surtout des livres de littérature de jeunesse, diffusés à la fois par la librairie Xin Hua (« Nouvelle Chine ») et par des diffuseurs privés, et réalise un chiffre daffaires de 800 millions de yuans (soit 76 millions deuros). Les éditions Jieli ont été fondées en 1990 par Mme Li Yuan Jun, avec lidée doffrir des ouvrages de qualité aux jeunes lecteurs, et de jouer un rôle de transmission culturelle, doù son nom.
La maison dédition Jieli (« du Relais »), dont je suis responsable, est une maison indépendante de taille moyenne, située à Na Ning, capitale de la province du Juang Xi. Elle produit principalement des manuels pédagogiques pour lécole primaire et le lycée et réalise un chiffre daffaires denviron 1,2 milliard de yuans (soit 114 millions deuros). Notre succursale de Pékin publie surtout des livres de littérature de jeunesse, diffusés à la fois par la librairie Xin Hua (« Nouvelle Chine ») et par des diffuseurs privés, et réalise un chiffre daffaires de 800 millions de yuans (soit 76 millions deuros). Les éditions Jieli ont été fondées en 1990 par Mme Li Yuan Jun, avec lidée doffrir des ouvrages de qualité aux jeunes lecteurs, et de jouer un rôle de transmission culturelle, doù son nom.
F. C. : Quelles ont été votre formation et votre expérience avant de devenir éditeur ?
B. B. : Jétais journaliste dans larmée, époque à laquelle jai publié des livres de jeunesse en tant quauteur : des romans, des contes (Un éléphant qui avale la nuit) et des poèmes (Le cur denfant senvole) qui ont obtenu plusieurs prix. Je suis diplômé de lUniversité normale de Pékin, qui est une université des enseignants, où jai obtenu un mastère en littérature. Jai aussi travaillé pour la télévision, comme metteur en scène pour des dessins animés. Avant de travailler pour la maison Jieli, jétais éditeur à la maison dédition des Écrivains, dont je suis devenu ensuite vice-président. Je suis également membre de lAssociation des écrivains de livres de jeunesse.
Jétais journaliste dans larmée, époque à laquelle jai publié des livres de jeunesse en tant quauteur : des romans, des contes () et des poèmes () qui ont obtenu plusieurs prix. Je suis diplômé de lUniversité normale de Pékin, qui est une université des enseignants, où jai obtenu un mastère en littérature. Jai aussi travaillé pour la télévision, comme metteur en scène pour des dessins animés. Avant de travailler pour la maison Jieli, jétais éditeur à la maison dédition des Écrivains, dont je suis devenu ensuite vice-président. Je suis également membre de lAssociation des écrivains de livres de jeunesse.
F. C. : Quelle part représentent les livres pour la jeunesse dans votre production ?
B. B. : Notre maison dédition produit chaque année environ 200 ouvrages. Les livres de jeunesse correspondent à 80 % de notre production, dont 53 % sont des ouvrages chinois. Le reste consiste en traductions, principalement de langlais et du japonais, mais aussi de lallemand, et un peu dautres langues. Notre maison dédition a toujours accordé une grande importance à cette coopération avec les éditeurs étrangers. En France, nous travaillons déjà avec Flammarion, Gallimard et Plon.
Parmi les ouvrages chinois, les romans et les contes occupent la première place, viennent ensuite les albums. La part des documentaires reste faible. Nous couvrons toutes les tranches dâges : des tout-petits (de 0 à 5 ans) aux jeunes adultes (de 18 à 30 ans). En Chine, même pour une maison dédition spécialisée dans les livres de jeunesse, il est difficile de produire des ouvrages destinés à une seule tranche dâge, car aucun de nos diffuseurs nest aussi spécialisé.
Notre maison dédition produit chaque année environ 200 ouvrages. Les livres de jeunesse correspondent à 80 % de notre production, dont 53 % sont des ouvrages chinois. Le reste consiste en traductions, principalement de langlais et du japonais, mais aussi de lallemand, et un peu dautres langues. Notre maison dédition a toujours accordé une grande importance à cette coopération avec les éditeurs étrangers. En France, nous travaillons déjà avec Flammarion, Gallimard et Plon.Parmi les ouvrages chinois, les romans et les contes occupent la première place, viennent ensuite les albums. La part des documentaires reste faible. Nous couvrons toutes les tranches dâges : des tout-petits (de 0 à 5 ans) aux jeunes adultes (de 18 à 30 ans). En Chine, même pour une maison dédition spécialisée dans les livres de jeunesse, il est difficile de produire des ouvrages destinés à une seule tranche dâge, car aucun de nos diffuseurs nest aussi spécialisé.
F. C. : Comment menez-vous vos projets éditoriaux ?
B. B. : En ce qui concerne la politique éditoriale, nous sommes relativement autonomes. Le gouvernement donne, par principe, une orientation assez abstraite de leffet social et économique, encourage la créativité, mais nintervient jamais sur la ligne éditoriale. Nous avons le champ relativement libre pour appliquer nos propres critères, fondés sur une évaluation de la demande des lecteurs et la mise en relief de loriginalité de notre maison dédition.
Nous privilégions également une sorte dinteraction entre écrivains, éditeurs et lecteurs, afin de créer le meilleur réseau dexploitation possible autour dun succès.
En ce qui concerne la politique éditoriale, nous sommes relativement autonomes. Le gouvernement donne, par principe, une orientation assez abstraite de leffet social et économique, encourage la créativité, mais nintervient jamais sur la ligne éditoriale. Nous avons le champ relativement libre pour appliquer nos propres critères, fondés sur une évaluation de la demande des lecteurs et la mise en relief de loriginalité de notre maison dédition.Nous privilégions également une sorte dinteraction entre écrivains, éditeurs et lecteurs, afin de créer le meilleur réseau dexploitation possible autour dun succès.
F. C. : Quel marché représente le livre pour la jeunesse ?
B. B. : Le tirage minimum dun titre est de 8 000 exemplaires. La vente moyenne de chaque ouvrage est de 78 000 exemplaires. Durant les deux dernières années, quatre ouvrages ont atteint les 200 000 exemplaires vendus, dix-sept les 100 000, et soixante et onze ouvrages les 50 000 exemplaires vendus. Nos dernières meilleures ventes ont été loin devant la série « Chair de poule », avec seize titres publiés et plusieurs centaines de milliers dexemplaires vendus en deux ans, puis la série chinoise « Ma Iao Tiao », avec six titres publiés et 300 000 exemplaires vendus en un an, « Peggy Sue » avec trois titres et 120 000 exemplaires.
En Chine, les enfants et les adolescents représentent près du quart de la population (287 millions denfants ont moins de 15 ans). Avec la réforme et louverture de la Chine, laugmentation du revenu par habitant et lamélioration du niveau de consommation de loisirs et déducation, le secteur du livre de jeunesse en Chine se développe rapidement. Mais il est fort concurrentiel : sil ny a que 33 maisons dédition spécialisées en livres pour enfants, 500 autres maisons dédition se mettent à publier pour la jeunesse. Il faut, pour réussir, une créativité permanente de la part des éditeurs et des auteurs.
Le développement et lévolution des livres de jeunesse sont étroitement liés aux nouveaux supports multimédias, ce qui favorisera sans doute un développement des albums. Beaucoup dauteurs jeunesse essaient de créer des ouvrages qui pourraient correspondre à des adaptations audiovisuelles télévision et cinéma ou à la bande dessinée. (Cest le cas de la série « Ma Iao Tiao », ou des livres de Qing Wen Jun et Cao Wen Yuan, qui sont par ailleurs diffusés sur Internet.)
Il faut aussi compter avec lapparition de nouveaux matériaux, de nouvelles technologies. Le livre de jeunesse bénéficie en Chine de multiples formats, de papiers différents, de techniques pour créer du relief, dencres spéciales, etc., rendant les ouvrages attractifs.
Le tirage minimum dun titre est de 8 000 exemplaires. La vente moyenne de chaque ouvrage est de 78 000 exemplaires. Durant les deux dernières années, quatre ouvrages ont atteint les 200 000 exemplaires vendus, dix-sept les 100 000, et soixante et onze ouvrages les 50 000 exemplaires vendus. Nos dernières meilleures ventes ont été loin devant la série « Chair de poule », avec seize titres publiés et plusieurs centaines de milliers dexemplaires vendus en deux ans, puis la série chinoise « Ma Iao Tiao », avec six titres publiés et 300 000 exemplaires vendus en un an, « Peggy Sue » avec trois titres et 120 000 exemplaires.En Chine, les enfants et les adolescents représentent près du quart de la population (287 millions denfants ont moins de 15 ans). Avec la réforme et louverture de la Chine, laugmentation du revenu par habitant et lamélioration du niveau de consommation de loisirs et déducation, le secteur du livre de jeunesse en Chine se développe rapidement. Mais il est fort concurrentiel : sil ny a que 33 maisons dédition spécialisées en livres pour enfants, 500 autres maisons dédition se mettent à publier pour la jeunesse. Il faut, pour réussir, une créativité permanente de la part des éditeurs et des auteurs.Le développement et lévolution des livres de jeunesse sont étroitement liés aux nouveaux supports multimédias, ce qui favorisera sans doute un développement des albums. Beaucoup dauteurs jeunesse essaient de créer des ouvrages qui pourraient correspondre à des adaptations audiovisuelles télévision et cinéma ou à la bande dessinée. (Cest le cas de la série « Ma Iao Tiao », ou des livres de Qing Wen Jun et Cao Wen Yuan, qui sont par ailleurs diffusés sur Internet.)Il faut aussi compter avec lapparition de nouveaux matériaux, de nouvelles technologies. Le livre de jeunesse bénéficie en Chine de multiples formats, de papiers différents, de techniques pour créer du relief, dencres spéciales, etc., rendant les ouvrages attractifs.
F. C. : Quelle est la part dinfluence des ouvrages étrangers ?
B. B. : Nous traduisons avec succès beaucoup douvrages étrangers qui ont une grande influence sur les lecteurs, comme sur les auteurs, chinois. Toutefois, nous devons développer davantage notre littérature, nos propres traditions culturelles, en sinspirant dautres cultures, pour maintenir notre force de créativité et de développement. La demande des jeunes lecteurs en Chine saccroit. Les livres de jeunesse nétaient autrefois perçus que comme un moyen déducation et de pédagogie. Maintenant, ils ont acquis une vraie place de loisir et de jeu, pour le développement de limaginaire et la créativité des enfants.
Nous traduisons avec succès beaucoup douvrages étrangers qui ont une grande influence sur les lecteurs, comme sur les auteurs, chinois. Toutefois, nous devons développer davantage notre littérature, nos propres traditions culturelles, en sinspirant dautres cultures, pour maintenir notre force de créativité et de développement. La demande des jeunes lecteurs en Chine saccroit. Les livres de jeunesse nétaient autrefois perçus que comme un moyen déducation et de pédagogie. Maintenant, ils ont acquis une vraie place de loisir et de jeu, pour le développement de limaginaire et la créativité des enfants.
Dans ce travail, la communication régulière compte énormément. Internet, le mail et le téléphone me permettent de rester en contact avec mes partenaires chinois, pour prospecter des ouvrages et régler des affaires. Je passe chaque année 2 ou 3 mois en Chine, pour mieux sentir latmosphère, et prendre connaissance de lévolution du marché du livre, notamment en matière de législation.Comme outil de travail essentiel, je me suis constitué mon propre catalogue douvrages pour lesquels je fournis une notice en chinois. Parmi les contrats qui aboutissent, plus de 90 % concernent des ouvrages que jai recommandés.Pour les contrats portant sur des ouvrages de littérature générale, il ny a plus vraiment de difficultés. Tout le monde respecte les règles du jeu. Mais dans le domaine des ouvrages illustrés, le projet échoue parfois, après une longue négociation, à cause du coût très élevé des droits de reproduction, difficilement compatible avec un prix du livre assez bas en Chine, ou de lexcès de prudence des éditeurs français. La présence des auteurs chinois au Salon du Livre entrainera plus dintérêt des lecteurs français pour eux. Toutefois, pour développer cette présence, il faudrait que les éditeurs français soient mieux informés et se débarrassent des idées reçues. Il faudrait quils considèrent la Chine, non seulement comme un grand marché potentiel, mais aussi comme un pays dune grande richesse culturelle et intellectuelle, se traduisant dans une production éditoriale quils doivent, dans les échanges commerciaux, considérer à laune de leurs propres critères. (propos recueillis et traduits par Feng Chen, agent littéraire)La maison dédition Jieli (« du Relais »), dont je suis responsable, est une maison indépendante de taille moyenne, située à Na Ning, capitale de la province du Juang Xi. Elle produit principalement des manuels pédagogiques pour lécole primaire et le lycée et réalise un chiffre daffaires denviron 1,2 milliard de yuans (soit 114 millions deuros). Notre succursale de Pékin publie surtout des livres de littérature de jeunesse, diffusés à la fois par la librairie Xin Hua (« Nouvelle Chine ») et par des diffuseurs privés, et réalise un chiffre daffaires de 800 millions de yuans (soit 76 millions deuros). Les éditions Jieli ont été fondées en 1990 par Mme Li Yuan Jun, avec lidée doffrir des ouvrages de qualité aux jeunes lecteurs, et de jouer un rôle de transmission culturelle, doù son nom.Jétais journaliste dans larmée, époque à laquelle jai publié des livres de jeunesse en tant quauteur : des romans, des contes () et des poèmes () qui ont obtenu plusieurs prix. Je suis diplômé de lUniversité normale de Pékin, qui est une université des enseignants, où jai obtenu un mastère en littérature. Jai aussi travaillé pour la télévision, comme metteur en scène pour des dessins animés. Avant de travailler pour la maison Jieli, jétais éditeur à la maison dédition des Écrivains, dont je suis devenu ensuite vice-président. Je suis également membre de lAssociation des écrivains de livres de jeunesse.Notre maison dédition produit chaque année environ 200 ouvrages. Les livres de jeunesse correspondent à 80 % de notre production, dont 53 % sont des ouvrages chinois. Le reste consiste en traductions, principalement de langlais et du japonais, mais aussi de lallemand, et un peu dautres langues. Notre maison dédition a toujours accordé une grande importance à cette coopération avec les éditeurs étrangers. En France, nous travaillons déjà avec Flammarion, Gallimard et Plon.Parmi les ouvrages chinois, les romans et les contes occupent la première place, viennent ensuite les albums. La part des documentaires reste faible. Nous couvrons toutes les tranches dâges : des tout-petits (de 0 à 5 ans) aux jeunes adultes (de 18 à 30 ans). En Chine, même pour une maison dédition spécialisée dans les livres de jeunesse, il est difficile de produire des ouvrages destinés à une seule tranche dâge, car aucun de nos diffuseurs nest aussi spécialisé.En ce qui concerne la politique éditoriale, nous sommes relativement autonomes. Le gouvernement donne, par principe, une orientation assez abstraite de leffet social et économique, encourage la créativité, mais nintervient jamais sur la ligne éditoriale. Nous avons le champ relativement libre pour appliquer nos propres critères, fondés sur une évaluation de la demande des lecteurs et la mise en relief de loriginalité de notre maison dédition.Nous privilégions également une sorte dinteraction entre écrivains, éditeurs et lecteurs, afin de créer le meilleur réseau dexploitation possible autour dun succès.Le tirage minimum dun titre est de 8 000 exemplaires. La vente moyenne de chaque ouvrage est de 78 000 exemplaires. Durant les deux dernières années, quatre ouvrages ont atteint les 200 000 exemplaires vendus, dix-sept les 100 000, et soixante et onze ouvrages les 50 000 exemplaires vendus. Nos dernières meilleures ventes ont été loin devant la série « Chair de poule », avec seize titres publiés et plusieurs centaines de milliers dexemplaires vendus en deux ans, puis la série chinoise « Ma Iao Tiao », avec six titres publiés et 300 000 exemplaires vendus en un an, « Peggy Sue » avec trois titres et 120 000 exemplaires.En Chine, les enfants et les adolescents représentent près du quart de la population (287 millions denfants ont moins de 15 ans). Avec la réforme et louverture de la Chine, laugmentation du revenu par habitant et lamélioration du niveau de consommation de loisirs et déducation, le secteur du livre de jeunesse en Chine se développe rapidement. Mais il est fort concurrentiel : sil ny a que 33 maisons dédition spécialisées en livres pour enfants, 500 autres maisons dédition se mettent à publier pour la jeunesse. Il faut, pour réussir, une créativité permanente de la part des éditeurs et des auteurs.Le développement et lévolution des livres de jeunesse sont étroitement liés aux nouveaux supports multimédias, ce qui favorisera sans doute un développement des albums. Beaucoup dauteurs jeunesse essaient de créer des ouvrages qui pourraient correspondre à des adaptations audiovisuelles télévision et cinéma ou à la bande dessinée. (Cest le cas de la série « Ma Iao Tiao », ou des livres de Qing Wen Jun et Cao Wen Yuan, qui sont par ailleurs diffusés sur Internet.)Il faut aussi compter avec lapparition de nouveaux matériaux, de nouvelles technologies. Le livre de jeunesse bénéficie en Chine de multiples formats, de papiers différents, de techniques pour créer du relief, dencres spéciales, etc., rendant les ouvrages attractifs.Nous traduisons avec succès beaucoup douvrages étrangers qui ont une grande influence sur les lecteurs, comme sur les auteurs, chinois. Toutefois, nous devons développer davantage notre littérature, nos propres traditions culturelles, en sinspirant dautres cultures, pour maintenir notre force de créativité et de développement. La demande des jeunes lecteurs en Chine saccroit. Les livres de jeunesse nétaient autrefois perçus que comme un moyen déducation et de pédagogie. Maintenant, ils ont acquis une vraie place de loisir et de jeu, pour le développement de limaginaire et la créativité des enfants.
Je constate une grande ouverture à la diversité. Il y a cinq ou six ans, tous les éditeurs se ruaient vers les mêmes ouvrages, les romans lauréats des prix littéraires ou qui faisaient parler deux. Aujourdhui, beaucoup déditeurs cherchent à mieux définir leur ligne éditoriale et à linstaller dans le long terme, à « inscrire leur empreinte ». Ainsi, pour les ouvrages des sciences humaines, qui peuvent être appréciés en Chine par un public assez large, les éditeurs se montrent de plus en plus audacieux et ouverts à des collections dont le concept est original, collections existant de longue date comme « La vie quotidienne » chez Hachette Littératures (dont 30 titres ont été achetés par un éditeur chinois) ou de toutes nouvelles collections comme « Idées reçues » aux éditions du Chevalier Bleu (dont un éditeur chinois a acheté les droits de 20 titres). Ils publient aussi dune manière plus systématique les ouvrages de grands penseurs les uvres complètes de Lévi-Strauss sont ainsi peu à peu accessibles aux lecteurs chinois , confiants désormais en leur capacité de diffusion et de distribution. Ce qui ne les empêche pas de saisir très rapidement des best sellers français dont la publication en Chine peut devenir un petit événement. Les droits en chinois de ont ainsi été achetés seulement trois semaines après la sortie de ce livre en France.En ce qui concerne la littérature, ce sont les auteurs classiques qui marchent le mieux. Un éditeur vient de signer les contrats pour dix recueils de grands poètes français du XX