CHINE MODERNE

 

Image peu engageante de la ville (le cerf-volant dans l'arbre)


Les media parlent régulièrement de la Chine depuis quelques années. Il en est de même pour la presse enfantine, où les thématiques festives laissent place à des sujets plus politiques, plus graves. Même négatives, ces évocations de la société chinoise ont le mérite de montrer une Chine plus "moderne", plus humaine aussi, un pays qui, s'il peut inquiéter, être critiquable, n'en n'est pas moins devenu une grande puissance mondiale. La presse, comme l'édition jeunesse en général semble figées sur une Chine révolue. Cependant, plus réactive et riche en traductions, en jeunes auteurs aussi, elles dévoilent timidement une nouvelle Chine, plus actuelle.

POLITIQUE ET EDITION

Nous avons pu constater que notre perception de la Chine dépend des relations politiques et économiques liant les deux pays. Ainsi, les chinois nous semblent bien plus proches au début du XXème avec d'une part la présence des européens et les concessions, mais aussi par les récits très documentés des missionnaires (voir art. précédents). L'édition jeunesse nous offre alors des récits plus descriptifs de la Chine. A partir des années 40, ce sont les éditions chinoises d'Etat -les éditions en langues étrangères- qui innondent l'occident d'oeuvres directement traduites en différentes langues, dont le français. Si certains titres documentaires offrent un réel intétrêt pédagogique, ces livres sont avant tout au service de la propagande communiste de l'époque. Ils n'ont que trop peu de concurence dans le monde très jeune de l'édition jeunesse française, encore très moraliste où la Chine est alors surtout dépeinte dans des collections, comme un catalogue touristique, avec toutes les caricatures : la série "Sylvie", "Pierre et Françoise", ou de bandes dessinées tel "Félix le chat". Les éditions en langues étrangères plaisent parce que jusque que dans les années soixante dix, ces petits albums semblent plus modernes, plus attractifs et surtout très accessibles, à l'instar de certains illustrateurs chinois, brillants imitateurs des productions Disney. Certes, certains albums sont très orientés, voir choquant pour le lecteur français actuel. Mais ils ont fasçonné, marqué plusieurs générations de lecteurs. Ce n'est pas l'aspect politique qui est retenu par les jeunes lecteurs mais le visuel : les personnages, les décors,...

UNE MODERNITE CHINOISE

On ne peut encore aujourd'hui parler d'édition jeunesse en Chine, le rôle du livre étant avant tout éductaif. Education et politique marquent ces publications des éditions en langues étrangères jusque dans les années quatre-vingt dix. Ces histoires ou documentaires présentent une Chine "moderne", une grande puissance. Mais dans l'illustration surtout, si cet aspect moderne est bien marqué, il n'est en rien comparable avec notre vision de la modernité.

La vitesse, signe d'évolution


Ces albums traduits et diffusés ne sont pas adaptés et le jeune lecteur lit une version chinoise avec des yeux d'occidentaux. Alors que la ville marque un signe de développement et de modernité en Occident, elle est inexistate en Chine. Dans ce pays encore rural à cette époque, l'industrie est "moderne". Ainsi, le texte comme l'illustration nous proposent des enfants obéissant et disciplinés, de gentils petits villages -l'honnête chinois est pauvre et paysan- et de paisibles paysans -toujours heureux- travaillant dans les rizières. Certains détails symbolisent la modernité avec un pylone électrique en plein désert ("Zoo"), près d'un chameau ou des activités comme des enfants toujours studieux. Le futur n'étant que peu représenté (voir art. précédents), il est difficilement possible de s'imaginer la Chine de demain...

Dessin très épuré, où le pylone symbolise la modernité

Symbole d'une Chine forte et moderne : les usines (dessin d'enfant)


Certes, ces albums ne sont pas à eux seuls responsables de cette vision de la Chine mais ils ont contribué, comme d'autres domaines -les célèbres films de kung fu des années 70/80- à une représentation décalée de la modernité chinoise. De plus les thématiques -caricaturales- identitaires chinoises sont avant tout festives, à la fois mystèrieuses -l'écriture- et joyeuses -cerf-volant- ; ce sont les plus visibles aussi en France avec les restaurants, les banières écrites, les lanternes, les fêtes du Nouvel An,...

EDITION ET TRADUCTIONS

Depuis la fin du XXème siècle, l'édition jeunesse, en France, a vécu une évolution proche du secteur "adulte" : concentration des éditeurs, rotation des titres plus rapides, nombreuses traductions, multiplication des collections, investissement en promotion et adaptations au cinéma ou à la télévision, avec de nouveaux titres "tous publics". La Chine subit la loi du "marché" : devenue plus accessible, plus attractive, avec aussi une demande plus caricaturale : un livre pour enfant doit plaire avant tout à l'adulte, prescripteur et surtout acheteur et sa vision de la Chine est plus proche des éditions en langues étrangères... Les professionnels de l'éducation quant à eux voient un bon outil pédagogique dans ces lives (voir art. précédents). Si les livres sur la Chine Antique répondent à la demande du lectorat, une nouvelle vision tend à se dessiner. Les traductions nous présentent une autre Chine et de jeunes générations d'auteurs ou d'illustrateurs arrivent...

 JEUNES GENERATIONS, NOUVEAUX REGARDS

La Chine si caricaturée est aussi présente en Occident et de nouvelles générations de jeunes chinois, nées outre mer n'ont jamais mis les pieds dans leur pays d'origine. Que ce soient les chinois de Paris ou les communautés chinoises des pays anglo saxons, ils sont présents aux côtés des jeunes occidentaux, évoluant dans le même univers ou presque.

Les chinois de Belleville dans un série policière

Les clandestins, dans papiers chinois en Europe


En Europe, les mystérieux voyages dans le temps menant vers la Chine ancienne laissent place à des histoires aux caractéristiques identitaires mais dans des décors européens ; les enfants tristes, en manque de leur pays d'une autre époque sont certes toujours tristes mais vivant les problèmes réels et actuels ("fièvre jaune" pour les filières clandestines) ; aux Etats-Unis, ce sont de jeunes américains d'origines chinoise qui vivent non plus le problème d'immigrant mais d'identité ; le décors typiquement chinois comme le chinatown n'est plus le lieu "nostalgique" mais le lieu de contrebande de marchandises... (voir art. "chinois d'Amérique").

"American born chinese" ou une histoire de l'intégration

Vie dans les banlieues sinistrées


Les changements opèrent dans les albums : les maisons basses de Pékin sont détruites ( "Li la petite calligraphe") les paysans désoeuvrés tentent leur chance dans les nouvelles grandes villes ("le cerf-volant dans l'arbre"). Plus symboliquement, les vestiges du passé assistent impuissants à un changement radical de la société chinoise ("le petit lion de pierre") ; les enfants vivent leur derniers moments d'innocence ("mon vélo").

Le petit lion de pierre voit les derniers habitants du village partir

Une famille vit ses derniers mments de "liberté" avant que la ville ne les plonge dans l'anonymat

Les vieilles maisons de Pékin sont détruites

Une famille pauvre décidée à fêter Noël


Mais le réel changement s'opère chez deux éditeurs. Xiao Pan, spécialisé dans la bande dessinée, publie de jeunes auteurs chinois. Ceux-ci expriment leur vision de la Chine actuelle, mais aussi  leur vie d'émigré. HongFei cultures au contraire revisite des thématiques connues ou des textes anciens, laissant les auteurs et illustrateurs s'exprimer, non comme l'exige les demandes commerciales, mais dans l'esprit d'échange et de créativité. Un texte ancien offre ainsi une nouvelle lecture, les personnages prennent du relief.

Les personnages prennent du relief, ont une âme


Si la Chine était représentative de l'Asie dans l'édition jeunesse (le Japon étant à part), de nombreux éditeurs publient maintenant des livres sur différents pays d'Asie dans des collections "ethniques". Le plus visible étant la Corée, avec les éditions Chan'ok entre autres. Ceux-ci permettent ainsi de mieux différencier les aspects identitaires de la Chine.

Solitude des grandes ville, TaIwan

Un employé rêve d'avoir des ailes et de s'enfuir

Nouveau jeu dans la ville, Taiwan


Une des régions les plus "modernes" étant Taiwan où plusieurs titres évoquent les problématiques de la modernité occidentale.Si certains auteurs se spécialisent dans une Chine révolue comme Jiang Hong Chen, tant par les sujets traités que par la technique (dessin traditionnel), de nouveaux auteurs inventent leur nouvelle Chine. Les auteurs chinois sont d'avantage traduits entre autre des auteurs de manhua. Mais pour les albums, la représentation des pays n'est jamais très réaliste, à quelques exceptions comme "Lola part à Pékin" mais toujours avec humour. Heureusement, l'imaginaire à encore sa place : reste à savoir quel nouveau portrait chinois va se dessiner.

"Golden man" où il n'est question que des marchés de la bourse

Le nouveau Pékin

"Les Affreux jojos" Yang H P Picquier, 2008

"Les Ailes" J Liao Bayard, 2008

"L'Air au travail" Li P Ed. des enfants, 1980

"American born cinese" Gene Luen Yang Dargaud, 1007

"Au Zoo" Lin S Ed. en langues étrangères, 1980

"Le Cerf-volant dans l'arbre" He Z P Picquier, 2006

"Chroniques de Pékin" collectif Xiao Pan, 2008

"Dessins d'enfants de la Chine nouvelle" ed. en langues étrangères, 1955

"En allant acheter des oeufs" Chen CY P Picquier, 2004

"Fièvre jaune" C Lucarelli Hachette, 1998

"Golden man" A Ying Xiao Pan, 2004

"Li la petite calligraphe", CJ Mercier Belin, 2006

"Lila et Lin" Bruce Litchi Magnard, 2005

"La Lune perdue" J Liao Bayard, 2008

"Mémé Xiao" Xu Dishan, D Bodet HongFei Cultures, 2008

"Mon vélo" Ader Bayard, 2009

"My street" Nie J Xiao Pan, 2006

"La Nuit de Mai Ahn Li" Magnard, 2004

"Le Petit lion de pierre" K Xiong Bayard, 2007

"Le Plus beau de tous les Noëls" Chen CY Nathan, 2006